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Renoncer à soi-même, à sa volonté propre est une croix, mais aussi un choix. Porter sa croix n'a rien de masochistes ou de doloriste. C'est un choix de conduite par amour pour Dieu et pour nos frères et sœurs.(Père Xavier Bugeme sj)

Mes chers Paroissiens, chers frères et sœurs

Paix !

 

Je vous envoie la méditation pour ce mercredi de la 31ème semaine TO Paire.

 

Lecture Phil 2,12-16

Ps 26

Evangile Lc 14,25-33

 

 

L'amour universel, sans conditions et sans frontières, n'est pas un bon sentiment bien tranquille et bien facile. Nous sommes avertis. C'est là une révolution.

 

Jésus demande un renoncement total, pour un attachement total à Lui. Dans la langue araméenne qui n'a pas de "comparatif", Jésus a même utilisé un mot beaucoup plus violent, que le texte grec, lui non plus, n'avait pas cru bon d'édulcorer... mais qui nous fait peur, et que nous traduisons par "préférer" : en fait, il y a le mot "haïr" ! "Si quelqu'un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme..."

 

Nous savons bien que Jésus veut que nous aimions les nôtres. L'amour filial, l'amour conjugal, l'amour fraternel, sont "sacrés". Mais l'amour de Dieu, qui les traverse tous et les anime, doit encore être plus grand.

 

Pour nourrir notre prière, je vous propose cette réflexion de Charles KLAGBA(www.erf.narbonne.over-blog.com).

 

Jésus pose des conditions impossibles pour le suivre. On dirait une dérive sectaire d’un gourou de notre époque.

 

Nous voyons ici qu’une grande foule faisait chemin avec Jésus sur les routes de Palestine. Plusieurs avaient entendu qu’il faisait des miracles. D’autres l’avaient vu argumenter brillamment contre les autorités religieuses. Peu importe les raisons qui les motivaient à suivre Jésus, sa présence suscitait manifestement de l’intérêt.

 

Jésus a laissé les foules le suivre sans se poser la moindre question, mais arrive le moment où, de ces foules, il veut faire des disciples. Ces hommes et ces femmes sont venus à lui sans trop savoir pourquoi.

 

Aujourd’hui, il les oblige à s’arrêter. Pour ne pas s’en tenir à la spontanéité ou à l’enthousiasme du départ, il les oblige à se poser des questions. Jésus invite les foules à s’asseoir avant de passer à l’action. Pas de précipitation !

 

Avant de passer à l’action, pesez, jugez, évaluez où tout cela peut vous mener, sinon vous risquez d’être ridicules comme celui qui se met trop vite à la tâche et « n’a pas les moyens d’achever. »

 

Le Seigneur se tourna alors vers eux et fit une déclaration qui aurait pu faire fuir tous ses auditeurs, même les plus enthousiastes.

 

Il leur dit, « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut être mon disciple… ». Il peut se mêler à la foule, mais je ne pourrai pas l’accepter comme disciple.

 

Ces paroles ont sûrement eu l’effet d’une bombe lâchée parmi la multitude.

 

Le caractère absolu de cette déclaration ne laisse aucun doute sur la volonté du Seigneur : choisir de suivre le Christ ne doit souffrir d’aucune ambiguïté du genre : « oui …mais… »

 

Cela aurait pu ouvrir la voie à une attaque de la part des ennemis de Jésus. Rien n’indique cependant qu’ils profitèrent de l’occasion. Ils auraient très bien pu dire, ‘Jésus, ce que tu viens de déclarer contredit carrément la loi. Car le cinquième commandement nous demande d’honorer notre père et notre mère. Or tu réclames de tes disciples qu’ils te préférer à leur père et leur mère.’ Certaines traductions utilisent le verbe haïr…

 

Les chefs religieux cherchaient constamment à miner, à ternir la crédibilité de Jésus. Pourquoi ne se sont-ils pas servis de cette situation? Pour la simple raison que tous pouvaient deviner à quoi le Seigneur voulait en venir.

 

Jésus ne préconisait pas l’abandon des responsabilités familiales. L’emploi du terme ‘préférer’ avait pour but d’aborder une question importante en marquant l’esprit des gens, en provoquant un électrochoc. Tous savaient que Jésus utilisait une expression qui amplifie et exagère dans laquelle ‘préférer’ signifie aimer Dieu par-dessus tout, au point que toutes les autres personnes ou autres choses deviendraient secondaires.

 

Votre amour pour Dieu doit être si grand que vous ne lui préférez personne, même ceux à qui vous devez naturellement le plus d’amour. Ainsi l’affection naturelle de la famille passe au second plan, tant le lien qui vous unit à Dieu surpasse toute expression de sentiments humains, si élevés soient-ils.

 

Frères et sœurs, aujourd’hui Jésus s’adresse aux foules qui font route avec lui vers Jérusalem, et à travers elles il nous laisse trois consignes, les trois renoncements auxquels doivent se préparer tous ceux et toutes celles qui veulent devenir ses disciples :

 

  • replacer tous les liens affectifs, quels qu’ils soient, sur l’axe de la réponse au Christ ;
  • accepter de porter sa croix personnelle, c’est-à-dire le réel de sa vie ;
  • être prêt à lâcher tout ce qui est de l’ordre de l’avoir.

 

Chacune de ces consignes se retrouve ailleurs dans l’Évangile de Luc. En revanche, ce qui est tout à fait inédit, ce sont les deux courtes paraboles qui sont enchâssées dans le texte comme pour piquer notre attention.

 

Le Seigneur Jésus ne veut pas de disciples qui s’engagent avec l’enthousiasme éphémère d’une première émotion religieuse. Il ne veut pas d’individus qui répondent ‘oui’ sans savoir ce qu’ils disent. Il y a un prix à payer pour suivre Christ. Chacun doit le savoir et y réfléchir mûrement avant de décider quoi que ce soit. Pour souligner ce point, Jésus donne deux paraboles. Il cite d’abord le cas d’un homme qui construit une tour. La deuxième parabole est celle d’un roi qui se prépare pour la guerre.

 

‘Supposons,’ dit Jésus, ‘qu’un homme décide de bâtir une tour sur sa terre. Sans même considérer les dépenses de son entreprise, il fait débuter les travaux. Quelque temps plus tard, il est à court d’argent et doit abandonner en entier le projet. Il se retrouve ainsi avec une tour inachevée et complètement inutile. Quel embarras pour cet homme qui n’a pas su calculer le coût de sa démarche. Il aurait pourtant dû savoir qu’on n’entreprend pas une construction sans s’assurer d’avoir les moyens de la compléter.’

Il en est de même pour le disciple. Avant de faire hautement profession d’être un disciple de Jésus, il doit voir s’il aura les moyens d’abandonner entièrement sa vie à Christ. Autrement, sa vie de disciple risque fort de se terminer en queue de poisson.

 

Encore plus sérieuse est la situation d’un roi qui doit décider s’il fera la guerre à un autre roi. Son armée est numériquement inférieure à celle de son adversaire. En fait, il n’en a que la moitié : dix mille contre vingt mille. Il doit donc soupeser la force de ses troupes et évaluer consciencieusement ses chances de remporter la bataille. S’il est clair qu’il ne peut gagner, il vaudrait mieux rester en paix avec l’ennemi plutôt que de s’exposer à un honteux massacre.

 

Il en est de même de celui qui désire suivre Jésus. Il doit en considérer attentivement les conséquences. Autrement, il risque de s’enrôler dans une course qu’il ne pourra probablement pas soutenir.

 

Voilà frères et sœurs, Jésus nous dit que pour être ses disciples, il faut d’abord s’asseoir, réfléchir aux conséquences et se dire qu’on va en assumer clairement toutes les conséquences ; et ce n’est qu’après cela qu’on doit s’engager.

 

Jésus choisit donc d’avoir - non pas une foule qui continue à faire route dans tous les sens - mais un groupe moindre. Un groupe qui prend le temps de s’asseoir de temps en temps et de se dire : en quoi est-ce que je crois ? Qu’est-ce qui est le plus important pour moi ? Qu’est-ce que je suis prêt à changer de mon mode de vie ? Comment je m’engage dans le monde ? Et je crois qu’il est là, le caractère pertinent de ce texte pour nous aujourd’hui, frères et sœurs.

 

Après que Jésus ait prononcé ce discours très dur, le texte ne dit rien sur le nombre de personnes qui ont continué à le suivre. On ne dit pas que tout le monde l’abandonne. Difficile de croire pour autant qu’ils se soient tous mis à haïr leurs parents, ou ont abandonné toutes leurs richesses.

 

Frères et sœurs, ainsi, dans toute démarche de croyant, vient le moment où il nous faudra prendre le temps de nous poser la question : « Suis-je prêt à suivre Jésus jusqu’au bout ? Suis-je prêt à tout quitter pour le suivre ? Suis-je prêt à le préférer à tout, même « à mes proches, même à ma propre vie ? »

 

Devenir disciple de Jésus Christ c’est avoir pris le temps de répondre « oui » à ces questions.

 

En fait, Jésus ne veut prendre personne de court. Il prévient. Il nous prévient que, passé l’enthousiasme du départ, vouloir être son disciple c’est aller comme lui jusqu’au bout.

 

Parmi les foules qui suivent Jésus ce jour-là, beaucoup refuseront la condition. D’autres ne décideront rien. Ils ne prendront pas même le temps de dire « non ». Et, toute leur vie durant, ils demeureront d’éternels indécis. Ils seront des hommes d’action qui prendront la fuite dès la première difficulté.

 

Devenir disciple de Jésus Christ c’est, après être passé par l’enthousiasme du départ, avoir un jour pris le temps de lui signer un chèque en blanc, se mettre une attitude d’abandon total. Ce « oui » est indispensable pour l’emporter sur tous les « non » que nous risquons de poser dans les tempêtes de la vie. Ce « oui » prononcé un jour, nous permet de découvrir jour après jour que nous sommes tout-à-fait incapables par nous-mêmes de suivre Jésus jusqu’au bout, malgré le désir qu’un jour nous avons eu de le faire. Ce « oui » nous permet de découvrir notre fragilité sans pour autant nous y arrêter. Il nous permet de devenir véritablement disciples de Jésus-Christ : acculés à compter sur Dieu et non sur nous-mêmes pour nous tenir fidèlement. Nous pouvons alors progressivement apprendre à devenir fidèles, non par notre propre force mais… grâce à Dieu… par grâce !

 

Dans cette apostrophe « Si quelqu'un vient à moi sans me préférer… », Jésus demande à ceux qui le suivent de situer l’attachement naissant à son égard. Il leur propose de rapprocher cet attachement naissant, - ils le suivent sur le chemin -, avec les autres attachements qui contribuent à la consistance de leurs existences.

 

Ce questionnement ne peut que produire, chez son interlocuteur, une crise, un malaise, une incapacité à répondre. De prime abord, je ne puis, au mieux, que constater l’existence de ces différents attachements… Comment puis-je alors les concilier, les situer ?…Pour cela, Jésus leur demande de quitter cette facilité qui va de soi, produite par la marche en groupe.

 

Cette facilité réconforte, chacun est avec les autres, il peut se fondre dans cette ambiance chaleureuse, se laisser porter par elle, sans chercher à en découvrir la signification, l’appel…

Jésus cherche à les amener à prendre du recul, à se poser… Il leur propose, pour cela, d’activer cette dimension en eux de la prévoyance, du calcul, de la comparaison qui donne de considérer autrement sa vie…

 

Frères et sœurs, Jésus veut, en nous, la liberté d’aimer et, pour cela, il nous demande d’user de manières différentes de notre intelligence… de considérer nos affections, de les comparer, de voir où chacune prend sa source…

 

Faire posément ce travail intérieur de comparaison, peut nous donner de suivre, dans la paix et avec douce résolution, la source la plus haute, la relation la plus profonde… celle, à partir de laquelle, je me découvre et je peux alors vraiment renoncer à un attachement pour un autre attachement… je peux me décider.

 

Jésus, veut que ceux qui entendent son message, hier/aujourd’hui, prennent au sérieux ce qu’il nous dit sur les modes de vie, sur les relations entre les personnes, sur l’engagement face aux injustices du monde.

 

Ce texte nous invite donc, frères et sœurs, à arrêter de temps en temps de faire route. À se demander quelles sont nos attaches, ce qui est plus important pour nous : Jésus ? Notre famille ? Notre travail ? Notre petit confort ?

 

Préférer Jésus à notre propre vie, ne serait-ce pas nous demander si nous sommes prêt à tout pour conserver notre vie, notre façon de vivre, même si il est contradictoire avec les appels de Jésus à respecter le plus petit, le plus faible, à être à l’écoute de la nature ?

 

Être prêt à porter sa propre croix pour suivre Jésus, n’est-ce pas nous demander si parfois, nous ne la faisons pas porter par d’autres ?

 

Ne pas faire porter notre croix à d’autres, n’est-ce pas se demander si nos regards sur et nos attitudes envers nos prochains ne sont pas en contradiction avec ce que signifie éthiquement être disciple de Jésus ?

 

L'image de la "croix qu'on porte" ramasse bien tout ce qui vient d'être dit. Notons qu'il ne s'agit pas de crucifixion, mais d'une marche en avant, où on assume tout ce qui constitue notre être et on le porte vers un lieu nouveau.

 

Par ce texte, frères et sœurs, Jésus nous appelle à cet acte de foi par lequel nous nous dépassons.

 

L'Évangile ne s'adresse pas à quelques surhumains. Oui, c'est bien à nous, à toi, à moi que Jésus parle. Oui c'est bien nous, c'est bien toi que Jésus appelle à cet impossible, à ce dépassement, non pas pour se réaliser mais pour rencontrer cet au-delà de nous, au-dedans de nous, cette présence intérieure, cette liberté intérieure.

 

La liberté, à laquelle Jésus nous appelle est, Dieu et l'on ne peut être libre, sans communier à la liberté. L'on ne peut pas suivre le Christ sans devenir son frère, son ami à qui Dieu révélera la Vérité.

 

Être chrétien, être disciple du Christ, être fils de Dieu nécessite que nous soyons libres, libres de tout, libres de nos valeurs, libres de nos croyances, libres de nos peurs et de nos convictions.

Oserons-nous cette liberté ? C’est la voix pour suivre le Christ et vivre pour lui. Amen !

 

Réflexion recueillie et proposée par le Père Xavier Bugeme sj

 

Curé de la Paroisse Christ Roi de Mangobo à Kisangani.

 

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