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L'homme est un pèlerin à la recherche de son cœur, de son être le plus profond. Là, Dieu le rencontre, et à partir de là seulement nous pouvons à notre tour rencontrer les hommes

Mes chers Paroissiens, chers frères et sœurs,

Paix !

Je vous envoie la méditation pour ce jeudi de la 9ème semaine TO/Impaire.

Lecture Tb 6, 10-11; 7, 9-17; 8, 4-10

Ps 127

Évangile Mc 12, 28-34

Voilà tout est dit : Aimer Dieu et aimer les autres ? C'est indissociable. On ne peut aimer Dieu en haïssant les autres, en leur cherchant querelle, en leur refusant simplement notre amitié.

La foi en Dieu doit mener à la vie avec Dieu. Cela ne peut se réduire à la simple récitation de prières toute faite ou encore à la pratique du dimanche... Les actes de notre vie doivent aussi compter.

Aimer Dieu, c'est vivre selon sa parole, c'est mettre en application dans notre vie ses commandements... Et c'est vivre dans le respect d'autrui. Voilà la règle d'or de toute vie chrétienne.

Pour nourrir notre prière, je vous suggère cette réflexion de Jean Marc Dutey (www.eglise-protestante-unie.fr)

Bonne méditation à toutes et à tous. (Père Xavier Bugeme sj).

Kant, le philosophe, a raison : "l'amour ne se commande pas et en faire un « devoir » n'a pas de sens".

Si aimer est un élan du coeur comment cet élan peut-il faire l'objet d'un commandement ?

Seconde question dont l'importance me paraît primordiale = Quel est ce Dieu que je dois aimer ?

Car notre besoin de nous faire des images de ce qu'on appelle Dieu nous entraîne à projeter nos propres désirs dans celles-ci. Ces représentations sont changeantes selon les époques et variables selon les individus. Je passe sur les représentations que l'art nous en a donné à profusion et qui a, à son corps défendant, favorisé une certaine idolâtrie. Cette idolâtrie n'est cependant pas l'apanage de la représentation artistique ; elle se révèle au travers des termes religieux quand est confondu le concept de Dieu et Dieu lui-même. C'est pourquoi aucun concept de Dieu ne peut être plus qu’une construction humaine évidemment limitée, et nos mots personnels pour en parler, il faut bien l’admettre, ne révèlent pas Dieu, (ce qu'on peut d'alleurs regretter pour notre mission de témoin de l'Evangile). Si donc nous ne pouvons répondre à la question QUI essayons de répondre à ce QUE nous percevons de notre propre vie. Je fais appel à John Shelby Spong pour ces questions que tout un chacun peut se poser en toute simplicité =

Y a-t-il une dimension en profondeur de la vie qui soit, finalement, spirituelle ? Si oui, qu’est-ce ?

Y a-t-il une profondeur à notre vie et à celle du monde qui nous relie à une présence que nous disons « transcendante » et « qui nous dépasse » et qui, pourtant, ne se distingue pas de ce que nous sommes et de ce qu’est le monde ? Si oui, qu’est-ce ?

Y a-t-il une présence au cœur de notre vie qui ne peut être invoquée comme un être, mais saisie comme une réalité divine et infinie ? Si oui, qu’est-ce ?

Si nous pouvions nous ouvrir à une telle réalité, en être pleinement conscients, et la laisser remplir notre être et notre conscience, pourrions-nous employer le mot Dieu pour décrire cette façon d’être ? Pourrait-elle être encore une présence profonde, même si on ne la définissait pas comme une présence extérieure ?

Nous ne pouvons plus nous figurer Dieu sous les traits d'un vieillard barbu assis sur un cumulus au moins depuis le retour de l'espace de Gagarine... Mais il est tout aussi difficile de se faire une idée de Dieu représenté sous la forme d'une entité indépendante du monde, extérieure au réel et à laquelle il nous serait possible de nous référer comme à un être tout autre, suprême, abstrait. Paul Tillich répond à notre besoin de représentation par cette formule "Dieu est en toi, Il est plus que toi mais Il n'agit pas sans toi". Dieu est à la fois autre et intime. Ces deux éléments sont en tension et nécessaires. En ne retenant que l'altérité on gomme l'intimité et si on ne retient que l'intimité Dieu n'est pas l'autre et sa proximité annule la distance au risque de ne plus le considérer que comme une simple dimension de notre existence. Bien souvent on a, et encore maintenant, insisté sur l'altérité de Dieu au prix d'un funeste éloignement. Et pourtant Jésus nous montre bien la proximité de Dieu : Il l'appelle "Père".

Tu aimeras le Seigneur ton Dieu... 

Si Dieu a toujours été identifié à la source de la vie, l'amour l'est également. L’amour ouvre la création tout entière à la vie et appelle toute chose à l’existence. Outre le fait que la nature témoigne que l'amour est nécessaire à la vie, il est pour l'homme, vous le savez par expérience, la force indispensable qui approfondit nos liens et qui, du même coup, épanouit notre humanité. Plus l’amour nous libère, plus nous sommes à même de donner notre vie pour les autres. Plus nous découvrons l’amour qui donne la vie, plus il nous est facile de nous révéler nous-mêmes car cet amour est le moyen d'expression du Fondement de notre être.

Dans le quotidien actuel les messages chrétiens sont quasi tous centrés sur l'amour. Dieu est amour donc l'essentiel c'est l'amour, être digne de Dieu c'est aimer et faire grâce. Ces déclarations reviennent comme un leitmotiv. Reste qu'il est impératif d'être clair quant au sens donner à ce mot amour. Car le verbe aimer dans notre langue revêt des aspects bien différents.

Ainsi quand en grec on parle de l'eros ce n'est ni l'agape ni la philia. Encore que l'Ancien Testament emploie le verbe hébreu ahav. Pour cet amour de l'homme vers Dieu les traducteurs écartèrent eros jugé trop sensuel, philein qui leur paru un peu faible pour élire agapân soit agapé verbe peu utilisé dans la littérature hellénique mais dont le sens, celui d'un amour respectueux, leur parut mieux convenir. Quoiqu'il en soit de la qualité de cet amour comment appréhender ce "aimer Dieu" ?

Jésus cite la transmission de ce commandement par Moïse qu'on trouve en Deutéronome et qui constitue une partie du shema Mais il se permet d'ajouter une dimension supplémentaire.

Aimer de tout ton coeur : dans la bible le coeur n'est pas le siège des sentiments mais le lieu de nos décisions. Nous devons donc décider en fonction de Dieu et grâce à lui.

de toute ton âme : l'âme est ce qui différencie un être vivant d'un objet. C'est notre dynamique de vie. Nous devons agir avec Dieu

de toute ta force : avec tous nos moyens (mais pas n'importe lesquels évidemment)

enfin il ajoute : de toute ton intelligence.

Jésus, une fois de plus bouscule la pensée ambiante. Il fait entrer l'intelligence dans le domaine de la foi. Penser, réfléchir en vue de la recherche de Dieu devient un devoir essentiel de l'homme. En relisant Deutéronome on doit bien constater que la réflexion personnelle n'y est pas essentielle.

Pourtant la foi n'a rien à craindre de la science quel que soit le domaine de la recherche que ce soit en physique, en sciences humaines, en philosophie ou en recherche biblique ou théologique.

Aimer Dieu, étant assuré de son amour, c'est lui faire confiance, c'est être en marche, avec notre intelligence, libéré des questions taboues, des préjugés et des dogmes éternels sans craindre un hypothétique jugement à cause de nos erreurs.

Tu aimeras ton prochain comme toi-même

Qui est mon prochain ?

On comprend généralement qu'il s'agit du "semblable" soit tout être humain. Les ONG jouent sur la corde de la solidarité aussi bien au titre de l'humanisme qu'au titre de l'amour chrétien. Evidemment il est plus facile d'envoyer un chèque que de se tourner vers ses proches qu'ils soient de la famille ou du voisinage et de les aimer "comme soi-même". Et à force de dire qu'il faut aimer tout le monde, ce commandement d'amour essentiel devient impossible et inopérant.

Donc on ne sait plus très bien qui nous devons aimer, mais on ressasse sans cesse tout de même cette exigence évangélique, peut être avec d'autant de facilité que cela ne nous engage pas à grand chose de précis faute de savoir ce que cela veut dire ou implique pour nous.

Dans la parabole du bon Samaritain le prochain est celui, quel qu'il soit, que je croise sur ma route, celui que je peux voire de mes yeux, toucher de mes mains, entendre avec mes oreilles. Il est spatialement proche. C'est le semblable qu'on côtoie et avec qui on échange directement.

Mais doit-on ne retenir la notion de prochain que sur base de cette parabole. Car parmi nos prochains il y a certes nos semblables, les humains, mais aussi toutes les créatures qui participent à la vie de ce monde. Le "respect de la vie" est un aspect essentiel de l'éthique d'Albert Schweitzer qui remarquait que le décalogue dit "tu ne tueras pas" et non pas "tu ne tueras pas d'autres êtres humains". Il est évident que nous sommes contraints d'exploiter la nature et de nous nourrir au prix de la mort. Celle-ci ne doit cependant jamais être gratuite. Je cite encore Schweitzer "Je suis vie qui veut vivre, parmi la vie qui veut vivre". Tous les porteurs de vie sont donc mes prochains.

Ce prochain, tu l'aimeras. Aimer c'est vouloir le bien de l'autre. Mais suffit-il d'aimer pour que les fruits de cet amour soient agréables à notre prochain. "aime et fais ce qu'il te plaît" On se réfère à cette parole de St Augustin en la sortant de son contexte pour en faire un adage des plus critiquables. Car l'amour peut  être néfaste. Il  y a de mauvaises façons d'aimer. Il y a des amours pervers sans que nous soyons particulièrement sujet à une pathologie. Il est des amours qui emprisonnent, qui infantilisent. On peut parfois se tromper et les conséquences être désastreuses. Voltaire a-t-il tort lorsqu'il déclare : "Mon Dieu, protégez-moi de mes amis, mes ennemis, je m'en charge !" ? Enfin pouvons-nous vraiment, sincèrement répondre favorablement à la demande de Jésus :"Aimez vos ennemis" ? On peut composer, contenir notre ressentiment mais nous ne les aimons pas vraiment. La parole devient alors culpabilisante et l'Evangile perd sa qualité de bonne nouvelle à l'origine de notre délivrance. Aussi ne devons-nous pas comprendre que ce "tu aimeras" n'est pas une écrasante obligation mais la promesse que Dieu fera de nous de nouvelles créatures capables d'aimer ?

Chaque jour Il nous guide vers la communion et la paix. Il nous conduit sur le chemin de son Royaume. Sachons l'écouter.

Réflexion recueillie et proposée par le Père Xavier Bugeme sj 

Curé de la Paroisse Christ Roi de Mangobo à Kisangani.

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