Image Post

l'Église n'est liée à aucun système politique. Grande illusion que celle de vouloir annexer l'évangile à son parti, ou à son intérêt,

Mes chers Paroissiens, chers frères et sœurs,
Paix !
 
Voici la méditation pour ce lundi de la 29ème semaine TO Impaire B.
 
Lecture Rm 4, 20-25
Ct Lc 1, 69-73.75
Évangile Lc 12, 13-21
 
Luc est le seul des quatre évangélistes à nous rapporter la page suivante. Nous reconnaissons, une fois de plus, son insistance sur la pauvreté.  
 
Le droit de succession était régi, comme toute la vie en Israël, par la loi de Moïse. Mais on demandait volontiers aux rabbins de faire des arbitrages et des expertises. Ici, un homme vient trouver Jésus pour qu'il use de son influence près de son frère injuste.
 
Jésus refuse. Notons bien ce refus ! On a demandé à Jésus d'assumer une tâche temporelle. Il a refusé. C'est une tentation constante des hommes de demander à l'évangile une sorte de garantie, une sacralisation, de ses options temporelles. Annexer l'évangile à son parti, ou à son intérêt.
 
La raison de ce refus, Jésus la donne clairement : il n'a reçu aucun mandat, ni de Dieu ni des hommes, pour traiter de ces affaires temporelles. Le Concile Vatican II est revenu à plusieurs reprises sur ce principe essentiel d'une autonomie relative des "institutions temporelles"... l'Église n'est liée à aucun système politique.
 
Pour nourrir notre prière, je vous propose cette réflexion du Pasteur Bernard Mourou (www.eglise-protestante-unie.fr).
 
Bonne méditation à toutes et à tous. (Père Xavier Bugeme sj)
 
Voilà un homme qui a une requête : il veut recevoir son héritage. Pour cela, son frère aîné doit accepter de lui donner la part qui lui revient.
 
En tant que cadet, cet homme avait droit au tiers de l’héritage familial et son frère pouvait garder les deux tiers. Mais même si la part qui revient au cadet est moindre, l’aîné ne cède rien, il ne lâche rien, il veut tout garder pour lui.
 
Alors le frère cadet a recours à Jésus. Il s’adresse à lui comme à un rabbi, parce que c’était un des rôles du rabbi de régler ce genre de litiges ; c’était une des fonctions du rabbi que de faire office de juge pour des questions de ce genre.
 
En soi, la requête de cet homme n’est pas mauvaise : il est dans l’ordre des choses de demander sa part d’héritage, et rien ne peut nous laisser penser que cet homme n’est pas dans son droit. Pourtant, il n’obtient pas de Jésus ce qu’il voudrait.
 
Mais Jésus refuse d’endosser ce rôle de rabbi ; il refuse d’entrer dans cet engrenage qui reviendrait à faire de lui un juge et il lui répond sèchement.
 
En fait, cet homme fait une erreur. Son erreur, ce n’est pas de demander sa part d’héritage : il en a tout à fait le droit. Non, son erreur, c’est de penser que Jésus est venu pour régler ce genre de questions.
 
Or, Jésus n’est pas venu pour cela, il n’est pas venu pour rétablir les injustices, il n’est pas venu pour garantir un partage équitable des richesses, il n’est pas venu pour défendre l’exploité contre l’exploiteur. Ce n’est pas que Jésus soit contre l’idée de justice, bien au contraire, mais simplement il laisse cela à la responsabilité humaine.
 
Jésus ne répond donc pas à cet homme, et il renvoie les deux frères dos à dos ; il renvoie dos à dos l’exploité comme l’exploiteur.
 
Pourtant Jésus délivre un message, mais ce message, c’est à l’autre frère qu’il semble l’adresser, un message sous la forme d’une parabole.
 
Cette parabole met en scène un homme riche. Et vous l’avez remarqué, cet homme riche ne parle que de lui, il n’emploie que le pronom je, il occupe tout l’espace sans laisser aucune place aux autres : “Que vais-je faire ? car je n'ai pas où rassembler ma récolte.” Puis il se dit : “Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j'en bâtirai de plus grands et j'y rassemblerai tout mon blé et mes biens.” Et je me dirai à moi-même, etc. Dans ce court passage, il n’y a pas moins de douze fois la première personne. Cet homme ne pense ni à Dieu ni aux autres, mais seulement à lui.
 
Par cette parabole, Jésus met en évidence l’égocentrisme de ce frère aîné qui veut accaparer la totalité de l’héritage familial.
 
Mais dans cette parabole, il y a aussi quelque chose de paradoxal : cet homme qui semble si intéressé par les biens matériels, il n’en profite pas, il ne les utilise pas pour vivre une vie meilleure ; il se contente de les mettre en réserve, parce que son but, finalement, ce n’est pas la jouissance des biens matériels, comme on pourrait le penser, mais c’est la volonté de se tranquilliser, de se prémunir contre les surprises de la vie ; cet homme a un très grand besoin de sécurité.
 
L’homme de cette parabole a accumulé des richesses matérielles. Il a amassé des provisions que ses greniers ne suffisent plus à contenir. Il les a stockées, comme on fait des stocks par temps de guerre ou de famine : par souci de sécurité.
 
En adressant cette parabole au fils aîné, ce n’est pas seulement son égocentrisme que Jésus met en évidence, mais c’est également son souci de sécurité, un souci de sécurité qui guide tous ses actes.
 
Aujourd’hui, notre société matérialiste a sans aucun doute ce même souci de sécurité. Dans la crise actuelle, certaines fortunes se comptent en milliards d’euros. Une telle richesse ne manque pas de susciter l’indignation de beaucoup, et aussi l’envie. Ces fortunes peuvent procurer une vie de plaisirs, et ce n’est pas rien, bien entendu.
 
Mais il y a une chose que ces fortunes ne peuvent pas procurer : c’est la sécurité. Car les biens matériels sont à même de donner une impression de sécurité, mais c’est une fausse sécurité, une fausse sécurité qui repose sur une illusion : l’illusion qui consiste à voir en eux un moyen de se prémunir contre la fragilité humaine. Mais aucun bien matériel ne peut prémunir quiconque contre la mort.
 
Par souci de sécurité, cet homme a accumulé des biens matériels, et finalement, il est passé à côté de la vie et des réjouissances. Il avait bien envie de faire bombance, mais il remettait cela à plus tard, si bien que cela ne s’est jamais concrétisé, il n’a jamais dépassé le stade du virtuel : sa mort est venue mettre un coup d’arrêt brutal à tous ses projets. Les biens matériels ne peuvent rien contre la mort.
 
Avec cette parabole, Jésus rappelle que personne ne doit jamais perdre de vue sa propre fragilité. Car personne ne peut échapper à sa condition de mortel, pas même les plus avisés, pas même les plus prévoyants.
 
Rechercher la sécurité pour oublier sa fragilité, rechercher la sécurité pour mettre un voile sur son angoisse, c’est tout le problème de ce frère aîné. Car ce qui fait rechercher la sécurité, c’est la peur, la peur de manquer, la peur de ce qui pourrait arriver. Ce n’est pas par hasard que, juste après notre passage, Jésus appelle ses disciples à ne pas avoir peur.
 
Cette sécurité que les hommes désirent, elle ne peut pas venir des biens matériels. Toute sécurité qui se fonde sur autre chose que Dieu est illusoire. Et c’est pour cette raison que Jésus ne veut pas se poser en juge : il a un autre message à délivrer.
 
Et c’est ce message que le frère aîné devait entendre – et peut-être aussi le frère cadet, après tout, parce que lui aussi a entendu cette parabole, et il n’est pas impossible que, dans cet héritage, il voie lui aussi une fausse sécurité. Mais pour faire entendre ce message, Jésus devait venir en sauveur et non en juge.
 
L’enjeu, pour Jésus, ce n’est donc pas de régler des questions de droit, mais bien de faire comprendre que la véritable sécurité ne peut se trouver qu’en Dieu. Ce qu’il nous faut, comme le disait Isaac le Syrien, un père de l’Eglise du VIIe siècle, c’est remplacer [notre] propre prévoyance par la providence de Dieu.
Amen.
 
Réflexion recueillie et proposée par le Père Xavier Bugeme sj
 
Curé de la Paroisse Christ Roi de Mangobo à Kisangani.

laissez votre commentaire