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Suivre Jésus, ça ne sait pas sans réfléchir, ça se pense à l'avance. Comme une entreprise, ça se prévoit et ça s'organise.

Mes chers Paroissiens, chers frères et sœurs,
Paix !
 
Voici la méditation pour ce mercredi de la 31ème dimanche TO Impaire B.
 
Lecture Rm 13, 8-10
Ps 111
Évangile Lc 14, 25-33
 
L'amour universel, sans conditions et sans frontières, n'est pas un bon petit sentiment bien tranquille et bien facile ! C'est une révolution. Nous sommes bien avertis.
Jésus demande un renoncement total, pour un attachement total à Lui.
 
Écoutons cela, si difficile que ça puisse paraître : Jésus, dans la langue araméenne qui n'a pas de "comparatif" a même utilisé un mot beaucoup plus violent, que le texte grec, lui non plus, n'avait pas cru bon d'édulcorer... mais qui nous fait peur, et que nous traduisons par "préférer": en fait, il y a le mot "haïr"! Si quelqu'un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme..." Nous savons bien que nous aimions les nôtres. L'amour filial, l'amour conjugal, l'amour fraternel, sont "sacrés". Mais l'amour de Dieu, qui les traverse tous et les anime, doit encore être plus grand.
 
Pour nous accompagner dans notre méditation, je vous suggère cette réflexion du Pasteur Jean Jacques Veillet (www.protestants-gap.org).
 
Bonne méditation à toutes et à tous. (Père Xavier Bugeme sj)
 
Reprenons le texte que nous venons de lire : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut être mon disciple. » Jésus s’adresse à la foule qui le suit. Ce devrait être un discours d’évangélisation, pour convaincre, pour s’attacher des disciples. Au contraire, qu’entend on ?: « Attention, si vous voulez me rejoindre, ça va être difficile, il y aura des "dispositions" à prendre, il va donc falloir que vous réfléchissiez bien, attendez un peu, ne soyez pas trop pressés ». En fait, même en lisant ce texte plusieurs fois, je me suis demandé ce que cela pouvait bien signifier. Quelle était la Bonne Nouvelle que je cherche toujours dans chaque texte sur lequel je travaille. Et j'étais vraiment gêné par ce texte, trop souvent utilisé contre l'Évangile lui-même.
 
"Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à sa famille... il ne peut être mon disciple. " Le texte est très clair, et ce n’est qu’une version adoucie du texte originel ; En effet, la traduction plus littérale de Chouraki, qui colle au texte grec d’origine, est beaucoup plus agressive : « Qui vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et ses sœurs, et son propre être aussi, ne peut être mon adepte ». « Haïr », ce n’est pas seulement le « ne pas préférer » des versions TOB et Segond. Haïr, c’est rejeter, couper les ponts. C’est donc un terme très fort et ce texte pose d’autant plus problème :
 
D'abord il est choquant pour nous d’entendre cet appel à la haine dans la bouche de Jésus, cet appel qui est tout le contraire de la loi même de Moïse : « Honore ton père et ta mère si tu veux que tes jours se prolongent dans la terre que le Seigneur te donne ». Et Luc lui-même nous rappelle quelque chapitres plus loin que Jésus fait référence à ce même commandement comme condition pour entrer dans le Royaume. Cet apparent appel à la haine fait donc réellement question.
 
Ce texte pose problème, ensuite parce qu'il a souvent été utilisé à tort et à travers, et de manière extrêmement sectaire. Beaucoup de groupes religieux, pas si lointains de nous d'ailleurs, ont au nom de ce texte-là, divisé des familles, comme si la séparation d'avec les proches était un préalable à la foi en Jésus Christ, comme si l'amour du prochain - parce que c'est de cela qu’il s'agit -, ne pouvait pas inclure la parenté.
 
Trop souvent on a entendu et l'on a vu des drames à cause de cette parole de l'Évangile mal comprise, voire volontairement détournée.
 
Pour bien saisir le sens des paroles de Jésus il nous faut donc considérer l'ensemble du passage et prendre en compte les remarques de la suite du texte. Bien évidemment Jésus ne cherche pas à aller à l'encontre de la loi. Jésus ne demande pas non plus à ses disciples de pratiquer une ségrégation d'amour aussi radicale et aussi contraire à la parole même de l'Évangile.
 
Ce texte n'est pas un texte d'évangélisation, même si Luc nous fait une mise en scène où Jésus parle aux foules. La foule dont il est question ici est la foule des gens qui, nous dit le texte, « font route avec Jésus ». Ce ne sont pas ceux qui, des quatre vents, se rassemblent pour le voir et l’entendre au passage. Ce sont ceux qui font route avec lui parce qu’ils sont déjà attirés, voir quasi engagés. Cette foule, c'est la foule des disciples, c'est la foule de l'Église, c'est nous tous.
 
Et donc ce discours s’adresse à nous ; c’est un discours d'exhortation et de mise en garde, par lequel Jésus explique ce que doit être le véritable disciple et, en quelque sorte nous dit, encore aujourd’hui, ce qu’il attend de nous.
 
Nous allons donc essayer maintenant de tirer de ce texte les éléments essentiels qui, en caractérisant le véritable disciple, nous concernent tous. Trois éléments caractéristiques le définissent :
 
D’abord il a choisi et sait justifier l’ordre des priorités dans sa vie, de sorte qu’il se tient prêt à assumer le fait d’être engagé auprès du Christ et de son Eglise ; au risque de paraître parfois pour ses proches insupportable, comme un mauvais mari, une mauvaise épouse, un mauvais fils, parce qu’il aura fait des choix prioritaires : combien de fois, en effet, un conseiller presbytéral ou un membre d’une paroisse n’a-t-il pas entendu son conjoint lui reprocher un jour les réunions tardives, les repas communautaires, les cultes qui barrent, comme par hasard, un beau week-end en perspective, et puis aussi les appels téléphoniques, les rendez-vous, en somme toutes les préoccupations qui interfèrent sans cesse dans le quotidien de la vie. Et combien de fois la réalité de ces choix assumés n’a-t-elle pas contribué à tendre l’atmosphère du couple et de la famille au point de rendre les choses agaçantes ? Et je n’évoque ici que les choses les moins graves, en situation de paix et de concorde civile, sans faire référence à d’autres contextes bien plus tragiques où le choix chrétien amène à prendre de réels risques qui mettent en cause la sécurité des proches, et où, bien évidemment, l’incompréhension, la critique et même la méfiance peuvent prévaloir au sein d’une même famille...et ou parfois la méfiance et la division s’installent. Jésus, cependant, a réaffirmé à mainte reprise, les évangiles en font foi, son attachement aux commandements de la Loi de Moïse, au mariage, à la famille, au respect de l’autre. Et personne ne peut lui faire le procès de vouloir détruire les liens sociaux qui unissent les couples et les êtres lorsqu’il appelle à le suivre. Ceci dit, l’engagement à sa suite peut amener de la discorde, de la tension voire de la haine. Et c’est le sens de sa mise en garde.
 
Mais il se trouve, et c’est la deuxième affirmation que nous pouvons souligner, que les deux petites paraboles de l’homme qui bâtit une tour et du roi qui part en guerre, constituent un véritable appel à la sagesse et à l’intelligence. En effet, lorsqu’il est question de suivre le Christ comme disciple, il ne s’agit en aucun cas de partir sans réfléchir. Le disciple, au contraire, se doit d’être avisé et, avant de prendre quelque initiative que ce soit, il est appelé à évaluer, peser les choses, analyser... Les paraboles de la construction de la tour et du départ en guerre sont suffisamment explicites : elles résonnent comme une exhortation à mettre en œuvre une véritable méthodologie : l’élément financier, par exemple, est important. Il n’est pas tabou, au contraire : la prévision, l’anticipation des conséquences budgétaires sont décisives. Et l’on ne se lance pas à la légère dans un projet de vie, un projet d’Eglise quel qu’il soit. De même, l’idée de partir en guerre qui fait référence à la stratégie, à la conduite de projet, avec la nécessaire conscience qu’il existe des rapports de force, des circonstances plus ou moins favorables, un contexte social, économique, politique, religieux dans lequel on s’engage. Et Jésus, au lieu de séduire et de circonvenir les disciples en occultant les risques et les difficultés, au lieu d’endormir la vigilance de ses interlocuteurs, les alerte donc, les met en garde contre toute décision hâtive, superficielle et finalement peu sérieuse parce que peu réfléchie. Il fait appel à leur intelligence.
 
Ce n’est pas le tout de discerner les priorités, de faire preuve d’intelligence dans l’élaboration et la conduite de projets, il faut, troisièmement, « porter sa croix », « renoncer à tout, même à sa propre vie».
 
Porter sa croix, c’était le geste du condamné de l’époque qui, publiquement, portait sa croix jusqu’au lieu de la crucifixion. Pour le disciple, porter sa croix c’est manifester publiquement sa foi en Dieu, sa confiance en Jésus le Christ, et sa volonté de le suivre, jusqu’à la mort si nécessaire. Renoncer à tout et porter sa croix, dans ce contexte, en revient alors non pas à tout rejeter, à se cacher dans le désert, ou bien à se complaire dans la souffrance ou la mortification, mais à prendre conscience que toute possession, tout bien, toute richesse de ce monde est, dans l’ordre des priorités, au moins seconde. Non pas inutile, mais seconde, c’est-à-dire qu’elle peut être placée, dans la foi confiante, au service du Christ.
 
En résumé, ce texte fait ressortir trois exigences qui nous sont donc adressées, de la part de Jésus, qui appelle ses disciples, qui nous appelle, à :
 
Faire un bon choix de priorités dans sa vie, malgré les risques de dissension et de tension dans les relations interpersonnelles,
Réfléchir avant d’entreprendre un projet, même au service du Christ,
Renoncer à tout, c’est-à-dire non pas tout jeter, mais avoir la capacité de placer au cœur de sa vie la confiance en Dieu, en portant sa croix, même si elle est huguenote ( !), comme un témoignage tourné vers l’espérance.
A nous de voir, maintenant si nous pouvons le suivre.
N’oublions pas, enfin, que les grandes foules qui accompagnaient Jésus avec un sentiment de sympathie sur la route seront absentes ou accusatrices au moment de la Passion. Lui sera seul sur la croix. Tous ceux qui avaient protesté de leur foi, protesté de leur amitié pour le Maître auront fui à ce moment là. Et ces paroles prendront alors un poids particulier.
 
Réflexion recueillie et proposée par le Père Xavier Bugeme sj 
 
Curé de la Paroisse Christ Roi de Mangobo à Kisangani.

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