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Nord-Kivu : L'attaque de Chanzu est une Œuvre du Rwanda (Tribune)

Dans la nuit du 7 novembre 2021,un groupe d'hommes armés a attaqué les localités  de Runyoni et Tshanzu dans le groupement de Jomba au Nord-Kivu. Depuis lors, on assiste à une guerre de communiqués entre l'armée congolaise, l'armée rwandaise et le M23.  

Dans sa tribune, M. Marcelin Cikwanine, DDH et expert DESC, pointe le Rwanda dans cette attaque qui a fait des milliers de déplacés.
 
Les FARDC, à travers un communiqué signé par le chef d'état major général, le Général Mbala, accusent le M23 d'en être l'auteur tandis que le M23 nie toute implication dans cette attaque qu'il attribue plutôt à un autre «groupe armé »,sans le citer nommément,  tout en dénonçant les provocations des «militaires incontrôlés »de l'armée dont il exige la relève. De son côté, l'armée rwandaise, rejette la responsabilité sur le M23 et indexe l'Ouganda en ces termes  :

« Il a été rapporté qu'un groupe armé qui serait d'anciens rebelles du M23, est entré le dimanche soir 7 novembre 2021 en RDC depuis le territoire ougandais où il est basé, et a attaqué et occupé les villages de Tshanzu et Runyoni. L'ex-groupe M23 en question n'a pas cherché refuge au Rwanda lors de son retrait de la RDC en 2013, mais était basé en Ouganda, d'où est partie cette attaque, et où le groupe armé s'est replié »

Face à cette confusion entretenue à dessein il est important, vigilance patriotique/citoyenne oblige, de recadrer certaines choses pour que la vérité soit connue sur l'identité exacte des assaillants et leur mobile. Je tiens à préciser certaines choses pour aider l'opinion à comprendre ce qui s'est passé réellement à Tshanzu  :

1. Le M23 est composé de deux ailes, l'une officielle  que dirige le duo Bisimwa-Makenga et l'autre, officieuse, dirigée par le duo Runiga-bondoin qui est basé au Rwanda. Les combattants du M23 sont répartis entre ces deux ailes qui se livrent une véritable guerre froide,les uns complotant contre les autres et vice-versa,  après les affrontements extrêmement meurtriers de Rutchuru suite auxquels Bosco Ntaganda s'est enfui au Rwanda. Lorsqu'on cite le M23 ou les ex- combattants du M23 il faut nécessairement se poser la question de savoir de quel M23 s'agit-il ? De quels ex-combattants s'agit-il ?  C'est très important de faire la part des choses lorsqu'on parle du M23  !

2. Il est malhonnête de la part du gouvernement de Kigali d'affirmer qu'il n'a pas accueilli les M23 sur son sol lorsqu'on sait que presque la moitié des combattants du M23, aile Bosco Ntaganda-Bondoin-Runiga, s'étaient retranchés au Rwanda avec Runiga et l'autre, aile Makenga-Bisimwa, en Ouganda.

3. Le «Général» Makenga et un certain nombre de ses combattants avaient quitté l'Ouganda depuis janvier 2017 pour établir leurs positions dans les montagnes de la région de volcans ,à la frontière entre le Rwanda,la RDC et l'Ouganda. Il n'est donc pas en Ouganda depuis plus de 4 ans et le gouvernement congolais le sait très bien.

4. C'est sous l'initiative de Kigali qu'un protocole d'accord a été signé à Kigali en 2019 entre le  M23/aile Runiga-bondoin et le gouvernement en vue de rapatriement et intégration des ex-combattants. Parallèlement, après les concertations de Kampala, les  délégués du M23/aile Bisimwa-Makenga sont allés à Kinshasa où ils ont été en pourparlers avec le gouvernement durant presque 18 mois.  

5. J'affirme ,en connaissance des causes , que le M23 officiel, à travers ses «forces» positionnées à Rutchuru n'ont pas pour l'instant les capacités militaires nécessaires (logistique et combattants) d'engager un quelconque front contre les FARDC.  

6 . Bien que, dans un sens, il est de l'avantage du M23/Makenga de prévaloir d'une capacité de nuisance face au gouvernement dans le seul but de faire aboutir ses démarches, Makenga, selon les informations sûres, n'a pas attaqué Tshanzu. Et même s'il le voulait dans le but d'attirer l'attention du gouvernement, il n'en a pas  les capacités requises à moins d'être suicidaire vu la conjoncture actuelle et les enjeux.

7. Ceux qui connaissent cette région savent très bien que les seules forces armées susceptibles d'opérer dans cet espace sont le M23 et les RDF(armée rwandaise). Donc si ce n'est pas l'un , c'est l'autre ou les deux à la fois. Il n'y a pas une troisième alternative contrairement à ce que le communiqué du M23 a laissé croire. Soit, c'est le M23/Makenga, soit c'est le Rwanda avec ou sans ses «ex- M23» basés au Rwanda. Et dans la mesure où  c'est le M23/Makenga, il est clair et certain qu'il le ferait qu'avec le soutien de Kigali. Or il n'en était pas ainsi jusqu'à la preuve du contraire !

Il est en plus  curieux de constater l'empressement du Rwanda à indexer la responsabilité de l'Ouganda dans cette attaque, disant clairement que l'attaque est venue de l'Ouganda, désignant expressément le M23 venu de l'Ouganda,donc Makenga et ses hommes. Je vous assure que c'est une pire diversion à l'ubwengisme ! C'est le Rwanda qui organisé ces attaques pour des raisons évidentes :

1. Paul Kagame est frustré depuis un long moment par les rapprochements entre la RDC et l'Ouganda (qu'il considère comme son ennemi) et qui pourraient aboutir à l'entrée des troupes ougandaises en appui aux FARDC.  D'ailleurs, en lisant le communiqué des FARDC avec les lunettes politico-diplomatiques, on constate que même le Général Mbala a, sans expliciter,  tenu à souligner cet aspect en ces termes :  

« Les forces armées de la RDC tiennent à préciser que la dernière attaque du M23 à Tshanzu intervient au moment où la RDC s'est engagée dans la phase de mutualisation des forces avec les pays voisins... ».

Qui et pourquoi cette mutualisation des forces doit gêner ?  Avec qui exactement va-t-on mutualiser les forces ? Si c'est avec le Rwanda comme il l'a toujours souhaité pour officialiser sa présence militaire sur le sol congolais , il n'a aucun intérêt à lancer des attaques.

Bref, le Rwanda ne veut pas la présence des troupes ougandaises dans ce qu'il considère comme sa zone d'influence au Congo,en quelque sorte le prolongement de son espace.

2.  Le régime de Kigali est déterminé à faire échouer le projet initié par l'Ouganda pour construire les routes en RDC notamment les tronçons Kasindi-Beni-Butembo et Bunagana-Goma en passant par Rutchuru, une zone frontalière du Rwanda.

Le projet a été lancé récemment par les présidents Museni et Tchisekedi à Kasindi et il  peine à commencer effectivement pour des raisons sécuritaires. L'une des raisons de la mutualisation des forces avec l'Ouganda est la sécurisation de cet investissement ougando-congolais de plus de 250 millions de dollars. Les entreprises de construction doivent travailler en toute sécurité et les routes doivent être sécurisées pour faciliter la mobilité,et ainsi le retour à l'investissement. Avant d'arriver à Goma le Général Mbala serait(j'utilise le conditionnel) venu de l'Ouganda pour matérialiser cette coopération militaire !

Tout est fait pour bloquer l'exécution de ce projet,y compris la tentative d'assassinat de l'ancien chef d'état major général de l'armée ougandaise et actuellement ministre en charge des infrastructures qui a chapeauté ce projet. Voici(lien) ce que j'avais écrit à ce sujet il y a  plusieurs mois pour comprendre jusqu'où Paul Kagame est capable d' aller dans ce dossier :


 3. Le régime de Kigali n'apprécie pas le travail fait depuis un certain moment par les services de sécurité congolais au Kivu. Il trouve que sa liberté d'action sur le sol congolais exercée depuis mars 2019 se rétrécit davantage, y compris par le fait de stopper son projet de déstabilisation du Burundi à partir du Sud-Kivu et de coincer certains de ses « hommes de main » œuvrant au sein des FARDC. C'est ,par exemple, le cas du Colonel RUSIMBI que je n'avais cessé de dénoncer,lui qui était la pièce maîtresse pour couvrir la présence militaire rwandaise au Nord-Kivu et réaliser certaines opérations secrètes sous les ordres de Kigali.

Cet officier a  arrêté récemment l'un des chefs rebelles Hutus rwandais, un colonel des FDLR recherché par le gouvernement rwandais. Au lieu de le transférer aux autorités compétentes à Goma, il l'a immédiatement remis au gouvernement rwandais en le faisant traverser clandestinement la frontière à partir  du territoire de Nyiragongo, ce qui confirme que cet officier des FARDC était au service du Rwanda comme d'autres. Selon mes informations, une prime d'encouragement de 30.000 $ lui aurait été remise par ses maîtres de Kigali pour ce travail.  Il est depuis lors détenu par la DEMIAP à Kinshasa. Ce dossier à énervé Kigali !

4.  Paul Kagame sait très bien que la RDC s'approche petit-à-petit des élections dont les enjeux sont très importants sur le plan régional et national. Il se prépare ainsi comme d'habitude à monter les enchères dans ses relations avec Kinshasa.

En conclusion, l'analyse factuelle  et les données des renseignements à ma possession démontrent clairement que l'attaque de Tchanzu et de Runyoni est venue directement du Rwanda dont la frontière n'est pas loin. L'objectif a été de lancer un message. Que cette attaque ait été exécutée par les ex-M23/les M23 ou pas, elle a consistée à lancer un message clair. Et il faut être sourd et naïf pour ne pas le comprendre et identifier son auteur.

Je savais que nous devrions en arrivé par là. Ce n'était qu'une question de temps, avais-je dit.  Et ce n'est que, à moins que Kinshasa décide de céder aux chantages de Kigali ,le début d'une série des actes de sabotage contre l'autorité congolaise qui pourtant a suffisamment fait preuve de la bonne foi dans le rétablissement des relations avec le Rwanda. Souvenez-vous de l'incursion récente de l'armée rwandaise à Nyiragongo, entrant comme si le Congo était une poubelle. On ne sape pas ainsi l'autorité d'un pays avec lequel on prétend entretenir des bonnes relations, surtout pas  après tout ce que le Président Félix Tshisekedi ait fait pour rassurer ce pays aux autorités naturellement ingrats.

J'affirme aujourd'hui, sans peur d'être contredit, qu'avec l'allure que prenait les attaques armées à l'intérieur du Rwanda en 2018 et le niveau de l'organisation et mobilisation des opposants rwandais dans le maquis du Kivu et ailleurs, Paul Kagame, soit ne serait pas aujourd'hui au pouvoir à Kigali, soit le Rwanda serait en pleine guerre civile si Félix Tshisekedi, à peine installé au pouvoir, n'avait pas permis, contrairement à Joseph Kabila, la neutralisation de ses opposants et l'approvisionnement d'un peu d'oxygène à cet enclave des Mille collines qui était isolé par tous ses quatre voisins : Ouganda de Museveni, Burundi de Nkurunzinza, RDC de Joseph Kabila (depuis la guerre du M23) et une  Tanzanie méfiante.  

Certes, il n'est pas donné à tout le monde de comprendre la dimension de cette réalité, mais franchement si l'ingratitude n'était la seconde nature de l'homme fort de Kigali, il n'aurait pas osé une seule seconde faire le moindre mal au Congo de Félix Tshisekedi. Mais ça n'étonne pas !  Il fait pire à celui qui l'a créé et installé au pouvoir, à savoir Kaguta Museveni. Qu'est-ce  que Joseph Kabila, le dit «rwandais»(qu'il fallait Kozongisa na Rwanda), ne lui avait pas donné !

J'ai suffisamment écrit pour prévenir le danger que représente le régime éthno-fasciste de Kigali et sa nature ingrate, insatisfaite. Mes articles et notes précédents en démontrent clairement. À ceux qui justifiaient  un partenariat pour la paix de nous montrer où est cette paix dans l'Est après 3 ans de partenariat. Bien au contraire, car la paix ne fait que s'éloigner davantage. Et le Rwanda a une grande part de responsabilité dans ces violences !

Jamais et alors jamais, je le répète encore, le Rwanda de Paul Kagame ne pourra être un partenaire pour la paix dans l'Est de la RDC. Il est et il sera toujours l'un des facteurs de la déstabilisation du Kivu. Qu'on s'informe à nous qui connaissons mieux ce pays, nous qui sommes nés et avons grandi à deux pas de sa porte; nous qui avons une longue et particulière histoire avec ce pays, avec les rwandais, avec ce régime au pouvoir, etc. Je dirais même que nous nous connaissons dans l'âme !

Ne pas tenir compte de ces évidences relève , soit de la naïveté,soit de l'irresponsabilité, soit de la complicité ou de l'ignorance des objectifs et caractéristiques du régime de Kigali. Par devoir patriotique et conscients de la menace que représente ce pays contre la paix et l'intégrité territoriale de notre pays, nous serons toujours là pour le dire en toute franchise et liberté. Que demain personne ne dise qu'il ne savait pas !

Marcelin CIKWANINE,  DDH et expert DESC,
consciencecbm@gmail.com

Commentaires (Total : 1)

J
John SHINDANO 11/11/2021 17:48:50

Il ne faut jamais être en bonne relation avec un voisin hyprocrite. Il ne faut jamais faire affaire un tel voisin, il faut plutôt faire le fer avec.

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