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RDC : Avril 1997, mois des massacres oubliés dans les provinces de Bas-Uele, Haut-Uele, Ituri et Tshopo

Vers le 28 avril 1997, une vingtaine de militaires de l’AFDL/APR sont arrivés dans le village de Yalikaka dans la province orientale, actuelle(s) province(s) : Bas-Uele Haut-Uele Ituri, Tshopo et ont tué des centaines de réfugiés. À leur arrivée, ils ont interrogé les réfugiés et écarté un Zaïrois au moins qui se trouvait parmi eux. Ils ont ensuite exécuté les réfugiés par balle. Les corps des victimes ont été enterrés sur place par les villageois.

À l’exception du groupe de militaires accompagnant l’entourage de l’ancien Président rwandais Habyarimana qui a rapidement traversé la région entre fin 1996 et début 1997, l’immense majorité des réfugiés rwandais n’est arrivée dans la province Orientale qu’en mars 1997. Alors qu’ils tentaient d’atteindre Kisangani en compagnie d’un nombre extrêmement réduit d’éléments des ex-FAR/Interahamwe via la route Lubutu-Kisangani, sur la rive droite de la rivière Luluaba (ou fleuve Congo), ils ont été repoussés par les FAZ vers Ubundu, à 100 kilomètres au sud de Kisangani, sur la rive gauche de la rivière Luluaba


À compter du 6 mars 1997, des dizaines de milliers de réfugiés se sont installés à Njale, dans le territoire d’Ubundu, sur la rive droite du fleuve Zaïre, en face du village d’Ubundu. Les combats qui se sont déroulés entre les troupes de l’AFDL/APR et celles des ex-FAR/Interahamwe dans les environs de Njale ont suscité chez les réfugiés un mouvement de panique et beaucoup d’entre eux ont tenté de traverser le fleuve par tous les moyens, malgré des conditions météorologiques difficiles. Plusieurs centaines de réfugiés seraient ainsi morts noyés au cours de la traversée.

Attaques contre les réfugiés le long de l’axe Lubutu–Kisangani

Avançant plus rapidement que les autres, un petit groupe d’environ 1000 réfugiés et d’éléments des ex-FAR/Interahamwe a pu passer avant la fermeture de la route Lubutu-Kisangani le 12 mars 1997, ils sont arrivés à Wania Rukula, village situé à 64 kilomètres de Kisangani. Ils se sont installés dans deux camps temporaires situés entre les localités de Luboya et Maiko, sur la rive droite de la rivière Luluaba. Le même jour, des militaires des FAZ de la Division Spéciale Présidentielle (DSP) sont venus dans les camps et ont distribué des armes aux ex-FAR/Interahamwe en prévision d’une attaque de l’AFDL/APR.

Exécutions et disparitions forcées de réfugiés dans la ville de Kisangani et ses environs

Après la prise de Kisangani, le 15 mars 1997, les militaires de l’AFDL/APR ont organisé des opérations de ratissage dans la ville et ses environs, à la recherche de réfugiés. Les nouvelles autorités de l’AFDL ont donné pour instructions aux responsables locaux de rassembler tous les réfugiés présents dans la région. Chaque fois que des groupes de réfugiés étaient repérés, des militaires de l’AFDL/APR se rendaient sur les sites de rassemblement et emmenaient les réfugiés vers une destination inconnue.

*Attaques contre les réfugiés le long de la ligne de chemin de fer Ubundu–Kisangani*

Après avoir traversé la rivière Luluaba au niveau du village d’Ubundu, les réfugiés, ont, pour la plupart, poursuivi leur chemin et se sont installés, vers le 14 mars 1997, dans un camp de fortune appelé « Camp de la Paix », situé dans le village d’Obilo, à 82 kilomètres de Kisangani. Le 15 mars, cependant, les troupes de l’AFDL/APR/UPDF ont pris Kisangani et les réfugiés, dans leur majorité, ont décidé de continuer leur chemin, à l’exception de quelques centaines qui sont restés à Obilo.


Les réfugiés qui avaient quitté Obilo avant l’attaque se sont séparés dans deux directions. Un premier groupe, dans lequel se trouvaient des éléments des ex-FAR/Interahamwe est parti en direction de la province de l’Équateur en coupant par la forêt au niveau du point kilométrique 52 puis en passant par le territoire d’Opala. Un second groupe composé principalement de réfugiés, a continué d’avancer en direction de Kisangani dans l’espoir d’avoir accès à l’aide humanitaire, voire d’être rapatrié. Plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont installées dans le village de Lula, à 7 kilomètres de Kisangani, sur la rive gauche du fleuve. Le 31 mars 1997, cependant, les militaires de l’AFDL/APR sont arrivés dans la zone et les ont obligées à rebrousser chemin en direction d’Ubundu. Les réfugiés ont alors investi des camps provisoires le long de la ligne de chemin de fer reliant Kisangani et Ubundu sur une distance de 125 kilomètres. Vers la mi-avril, 50 000 réfugiés au moins s’étaient ainsi installés dans les camps de Kasese I et II, situés près de la localité de Kisesa, à 25 kilomètres de Kisangani. Un second camp de fortune a accueilli 30 000 réfugiés au niveau de Biaro, à 41 kilomètres de Kisangani. Le personnel humanitaire s’est fortement mobilisé afin de venir en aide aux réfugiés vivant dans ces camps. Compte tenu de l’ampleur des besoins et des difficultés d’accès aux camps, seule une faible proportion de la population réfugiée a pu bénéficier d’une aide humanitaire. Le personnel humanitaire a par ailleurs dû faire face à l’hostilité des responsables de l’AFDL/APR sur le terrain.

De nombreux témoins et différentes sources ont indiqué qu’un train en provenance de Kisangani était arrivé le 21 avril 1997 à proximité des camps avec à son bord des éléments des unités spéciales de l’APR déployées depuis le 17 avril à l’aéroport de Kisangani.

Immédiatement après les massacres de Kasese, les militaires de l’AFDL/APR ont attaqué le camp de Biaro, à 41 kilomètres de Kisangani.

Le 28 avril 1997, l’ONG MSF a été autorisée à visiter les camps de Kasese et Biaro mais tous leurs occupants avaient disparu. Selon MSF, avant les attaques, ces camps abritaient au moins 5 000 personnes qui se trouvaient dans un état d’épuisement extrême.

Le 22 avril 1997, alors que se déroulaient les attaques sur les camps de Biaro et Kasese, des militaires de l’AFDL/APR et des villageois ont arrêté des réfugiés qui tentaient de s’enfuir et les ont contraints à partir en direction du centre ville d’Ubundu.

En mai 1997, alors même que le HCR et le personnel humanitaire organisaient le rapatriement de certains réfugiés qui se trouvaient entre le point kilométrique 41 et Kisangani, les massacres se sont poursuivis dans la zone située au sud du camp de Biaro. Cette zone est restée interdite au personnel humanitaire, aux journalistes et aux diplomates jusqu’au 19 mai au moins. Le 14 mai, la délégation de Sérgio Vieira de Mello, adjoint du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, s’est vue refuser l’accès à la zone par des militaires de l’AFDL/APR. À la même époque, interrogé par des journalistes dans le cadre d’un reportage télévisé, un Zaïrois membre des ex-Tigres katangais intégrés dans l’AFDL/APR a déclaré avoir été témoin de plus d’un millier d’exécutions par semaine dans cette zone. Il a également indiqué que les corps des victimes étaient acheminés de nuit sur certains sites afin d’être brûlés. Les militaires de l’AFDL/APR ont mené une campagne de « sensibilisation » auprès de la population afin qu’elle ne parle pas de ce qui s’était passé.

A compter du 30 avril 1997, les militaires de l’AFDL/APR ont commencé à acheminer par train plusieurs groupes de réfugiés qui avaient survécu aux attaques sur les camps de Kasese jusqu’au camp de transit installé à proximité de l’aéroport de Kisangani.

*Attaques contre les réfugiés le long de l’axe Kisangani–Opala*

Début avril 1997, des réfugiés en provenance du territoire d’Ubundu, qui avaient probablement fui les massacres de Biaro et Kasese, se sont regroupés dans la localité de Yalikaka, au bord de la rivière Lobaye.

Après le massacre, certains habitants du village de Yalikaka ont continué à empêcher de nombreux réfugiés de traverser la rivière et de s’enfuir. Ils ont aussi prévenu les militaires de l’AFDL/APR de la présence des réfugiés dans le village.

Après la chute de Kisangani et la destruction des camps situés entre Kisangani et Ubundu, plusieurs milliers de réfugiés se sont regroupés dans les villages de Lusuma et Makako, à 206 kilomètres de Kisangani. Ils n’ont pas pu franchir la rivière Lomami pour atteindre Opala et sont restés sur les lieux, pillant les biens et les récoltes des civils.

La victoire de l’AFDL/APR sur les FAZ et les ex-FAR/Interahamwe dans la province Orientale n’a pas mis fin aux massacres, aux disparitions forcées et aux graves violations des droits des réfugiés dans la province.

Après la fermeture du camp de Bengamisa, des militaires de l’AFDL/APR se sont installés à une trentaine de kilomètres de là, dans la localité d’Alibuku. Ils ont monté un camp temporaire à 5 kilomètres du village, dans une zone non habitée près d’une carrière de gravier. Ils ont dit aux villageois qu’ils cherchaient les Hutu qui avaient tué les Tutsi au Rwanda et leur ont demandé de les aider à les retrouver. Ils ont aussi bloqué la route menant au camp et ordonné au chef de secteur d’interdire à la population de venir chasser dans la forêt environnante.

Comme dans les autres provinces, la victoire des militaires de l’AFDL/APR sur les FAZ n’a pas mis un terme aux graves violations des droits de l’homme des réfugiés dans la province Orientale.

Commentaires (Total : 1)

I
Innocent MBUMBA 29/04/2022 06:25:26

Ces graves violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire ne doivent pas rester impunies. Les auteurs de ces crimes doivent être jugés et condamnés

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