Image Post

Goma : les juristes célèbrent la journée des Barreaux, des explications d’un juriste

Le 10 Juillet de chaque année les juristes praticiens spécialement les Avocats célèbrent la Journée des Barreaux (JDB). Dans la ville de Goma, ils sont venus nombreux à la faculté des droits de l’université Libre des Pays des grands lacs (ULPGL). Au tour du Bâtonnier Abel Ntumba. Des riches exposés et partage des conseils de la profession ont été à l'ordre du jour.  

Nous avons préféré approcher Maître Junior-Rex BARAKA BUNANI pour nous expliquer cette journée. Junior-Rex BARAKA BUNANI est un Avocat en République Démocratique du Congo/ Barreau du Nord-Kivu Consultant et Chercheur en Droits miniers, de l’environnement, des hydrocarbures et en justice pénale internationale, il est également Défenseur des droits humains. Voici ses explications autour de la question.  

Libre Grands Lacs :  Maître, expliquez-nous comment est née la profession d’Avocat et le Barreau.

Maître Junior :  Le Barreau n'existe pas sans avocat. Le terme « Avocat » vient du latin « Ad vocatus » qui signifie « appeler auprès de soi, c’est lui que l’on appelait dans la Rome Antique, pour ses conseils avisés lorsqu’on prend une décision ou que l’on doit faire face à un conflit ». L’Avocat c’est cet homme qui passait, et devait être encore aujourd’hui, aux yeux des communs des mortels pour un conseiller, un sage, un homme honoré, …

LG : Maître, comment est née la profession d’Avocat dans le monde et en République Démocratique du Congo ?

MJ : Au moyen âge, la profession s’est organisée en corporation regroupant des Avocats d’une même ville et disposant chacune des règles professionnelles différentes et ayant à sa tête un Conseil présidé par un Bâtonnier dont l’emblème de son autorité était un bâton. Lors de la Révolution française, toutes les corporations ont été supprimées, celle des Avocats survivra ; plus tard, l’Empereur Napoléon BONAPARTE fera établir les fondements de la profession moderne d’avocat, avant de se raviser de menacer la profession d’Avocat qui gagnait en prestige.

En 1810, il créera l’Ordre des Avocats et dira « j’arracherai sa langue à l’Avocat qui l'utilisait contre mon pouvoir ». En effet, le premier Barreau apparaît dans l’empire romain sous le règne de l’Empereur Justinien Ier (482-565) qui fut le premier à reconnaître aux Ad-vocati, le droit de se constituer en corps de métier. C’est la naissance du Barreau. Le Barreau est alors une entité regroupant les Avocats, il est doté de la personnalité juridique et administrée par un Bâtonnier, outre le Bâtonnier, il a le Conseil de l’Ordre et l’Assemblée et l’Assemblée générale. C’est en ce sens que le Barreau et la profession sont nés dans le monde.

LG : Et en République Démocratique du Congo comment est née cette profession ?

 MJ : En RDC, que symbolise la Journée du 10 Juillet de chaque année ? C’est la journée nationale du Barreau, c’est ce jour que les chevaliers de la toge noire avec rabat blanc célèbrent la naissance de façon organisée de la profession d’Avocat. En effet, en RDC l’histoire du Barreau est riche et émaillée de plusieurs faits qui l’ont caractérisée.  Le barreau est né dans une situation politique troublée. S’agissant de la création du Barreau en RDC, de 1885 à 1930, il n’y a pas d’avocat en RDC. En 1910, il y a un balbutiement marqué par la mise en place d’un embryon d’administration avec un effectif réduit d’une force publique, d’une police et de deux juridictions avec compétence sur l’ensemble du territoire : un tribunal de 1ère Instance et une Cour d’appel à Boma. A cette époque, l’Avocat rouage essentiel dans l’administration de la justice manquait, il était vu par les politiciens et les magistrats comme un élément gênant.

Malgré cette réticence, le Gouverneur Général de la colonie , prit une Ordonnance en date du 05/12/1892 instituant les mandataires ad litem  chargés d’assurer le rôle normalement dû aux Avocats dont voici la teneur : « Toutefois, les étrangers résident hors du territoire de l’Etat et les personnes ayant au Congo une résidence éloignée du siège des tribunaux ont la faculté de s’adresser par voie de requête au directeur de la justice qui donnera telle suite que de conseil à l’effet d’obtenir la désignation d’un mandataire ad litem, chargé d’introduire et de soutenir en leur nom des actions civiles ou commerciales devant les tribunaux ou défendre des actions de la même espèce. Le mandataire ad litem est facultatif sauf pour les agents de l’Etat qui toute fois ne pourra être désignés que de l’avis conforme du Gouverneur général. Ceux désignés comme il est dit ci-dessus exerceront leur mandat sous la surveillance du directeur de la justice ».

C’est en 1910 que le tout premier Avocat s’installe à Lubumbashi, c’est à partir de là que les Avocats belges, français, portugais, grecs vont s’installer dans les grandes villes du pays, une vingtaine à Kin, un peu moins à Lubumbashi, un ou deux dans l’une ou l’autre ville de Province. En 1930, avec le Décret du 7 Novembre 1930, les bases du Barreau furent jetées en RDC ; un tableau des Avocats près chaque Cour d’Appel et de chaque Tribunal de Ière Instance existera, l’Avocat a le monopole de la profession d’avocat là où il y a un tableau, deux conditions sont exigées pour devenir un Avocat : être docteur en Droit et produire une attestation d’honorabilité. La profession d'avocat devient incompatible avec certaines professions.  Pendant ce temps, le Barreau est créé mais il n’est pas indépendant, les sanctions disciplinaires sont fixées par ce décret, il n’y a pas de Conseil de l’Ordre, ni de Bâtonnier. A la suite du décret de 1956, une commission de la réforme judiciaire est mise en place et va produire la proposition de création du Barreau ayant obligé l’institution du stage et la connaissance du droit congolais. La proposition venue des Avocats de voir l’organisation du Conseil de discipline et la nomination du Bâtonnier sera rejetée.

Pour contourner cet obstacle, quelques Avocats de Kinshasa vont se réunir en assemblée générale en 1957 pour créer une Association des Avocats du Barreau de Léopoldville. Les avocats sont libres d’y adhérer ou non. Cette résolution est ainsi articulée :

« Les Avocats du Barreau de Léopoldville, réunis en Assemblée plénière à Léopoldville, le 1er Février 1957, l

Considérant que l’absence du Bâtonnier et du Conseil de l’Ordre les prive d’un rouage essentiel de leur vie professionnelle, Considérant qu’une autorité officieuse en tenant lieu pourrait rendre les plus grands services tant sur le plan professionnel que sur le plan des relations extérieures,

Décident à l’unanimité, sans préjudice des dispositions du Décret 1930, de se regrouper en association en vue d’assurer le maintien et la dignité de l’Ordre des Avocats, de créer au sein du Barreau de Léopoldville un Conseil de l’Ordre de 3 Avocats chargés de veiller au maintien des usages et traditions des Avocats, Représenter le Barreau de Léopoldville auprès des autorités judiciaires et administratives ,..

En 1963, le premier Avocat Congolais prête serment d’Avocat et entre au Cabinet Me Yves de Winne. Il s’agit de Me Vital Mbungu, à sa suite Me Samuel YOKA MANGONO, Me Banza HANGANKOLO et feu Bâtonnier National Pascal NDUDI-NDUDI prêtèrent serment d’Avocat.

Le 10 Juillet 1968 une nouvelle loi va régir l’Ordre des Avocats. Elle va créer le Bâtonnat, Conseil de l’Ordre et l’Assemblée générale comme organes du Barreau. C’est cette loi qui va organiser concrètement la profession d'avocat en RDC.  C’est pourquoi, la date du 10 Juillet chaque année, la Journée Nationale des Barreaux (JDB) est célébrée en RDC.

Aujourd’hui, les Avocats en République Démocratique du Congo sont régis par l’Ordonnance-Loi n°79-028 du 29 Septembre 1979 portant Organisation du Barreau, Corps de défenseurs judiciaires et du Corps des mandataires de l’Etat et par le Règlement Intérieur Cadre des Barreaux. Ainsi, la profession d’Avocat est réservée exclusivement aux personnes ayant la nationalité congolaise, sous réserve de réciprocité.

          

 

laissez votre commentaire