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RDC : malaise après l'arrestation du conseiller chargé de la sécurité

Guerre de palais, diversion ou réelle conspiration ? L'interpellation du "Monsieur sécurité" du président de la République démocratique du Congo (RDC), entendu depuis samedi par les services de renseignements, crée un malaise dans le pays.

Aucune information officielle n'a été donnée sur les raisons de l'arrestation de François Beya, considéré il y a quelques semaines encore comme incontournable dans les sphères du pouvoir. Ancien chef de la Direction générale de migration (DGM) sous le régime de l'ex-président Joseph Kabila (2001-2019), Francois Beya a été nommé Conseiller spécial en matière de sécurité par le président Félix Tshisekedi en 2019.

Il est resté à ce poste en dépit de la rupture fin 2020 entre Félix Tshisekedi et son prédécesseur, après deux ans d'une cogestion conflictuelle du pays. Selon une source sécuritaire, Francois Beya, surnommé "Fantomas", serait "soupçonné d'avoir voulu tenter quelque chose en l'absence du chef de l’État, dont la nature sera déterminée après son audition".

Félix Tshisekedi était ce week-end au sommet de l'Union africaine à Addis Abeba, d'où il est rentré dans la nuit de samedi à dimanche. Son entourage a démenti un retour précipité, affirmant que ce timing était conforme à son programme initial. Aucune disposition sécuritaire particulière n'a été vue à l'aéroport international de Ndjili, au siège de la Radiotélévision nationale congolaise (RTNC), au bureau du chef de l’État (Palais de la Nation) ou encore à sa résidence de la cité de l'Union africaine, des sites considérés comme stratégiques.

Jusque-là, la seule indication clairement sourcée a été donnée samedi soir par l'avocat Georges Kapiamba, président de l'Association congolaise pour l'accès à la justice (ACAJ), qui a dit avoir rendu visite à Francois Beya dans les locaux de l'Agence nationale des renseignements (ANR). "L’ACAJ confirme l’interpellation et l’audition de François Beya par des enquêteurs de l’ANR. Les plus hauts responsables de ce service nous ont rassurés que toute la procédure a été conduite dans le strict respect des droits humains. Nous suivons ce cas", a-t-il tweeté.

A des médias, Georges Kapiamba a précisé que le conseiller était "soupçonné d’avoir participé à des réunions mettant en cause la sécurité de l’État". Quelle que soit la raison, "en arrêtant celui qui a vocation à sécuriser les institutions, le régime Fatshi (surnom du président congolais, ndlr) administre la preuve, par l'absurde, de l'existence d'un malaise au cœur du pouvoir", écrivait lundi dans le journal Forum des As l'éditorialiste José Nawej.

"Tentative de révolution de palais, guerre de clans, séquence classique de la révolution qui bouffe ses propres enfants ou même manœuvre de diversion- comme le laissent entendre certains -, qu'importe. Ça sent mauvais", ajoutait-il. Dans un communiqué, l'ONG Justicia a exhorté le gouvernement à "informer la population" plutôt "que de laisser croître une psychose d'insécurité généralisée".

Sur les réseaux sociaux, "des appels à la violence sont lancés contre certains acteurs politiques congolais sans que les services de sécurité ne réagissent", a déploré l'ONG, en évoquant aussi la manifestation de jeunes dimanche matin à Kinshasa, qui s'en sont pris "à de paisibles passants".

Des partisans de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti du président Tshisekedi, ont bloqué une partie d'une grande artère et, selon la police, caillassé des véhicules de particuliers.Leurs revendications n'étaient pas clairement affirmées mais, selon un de ces jeunes, Justin Kashama, cité lundi par le journal Le Potentiel, ils voulaient "exprimer (leur) indignation contre l'information sur une conspiration contre le chef de l’État". "Le peuple est très fâché", a-t-il dit.

Cette affaire intervient alors que le président Tshisekedi n'est pas encore parvenu à mettre fin à la guerre dans l'est du pays, ce qu'il a fixé comme l'une des priorités de son mandat dans son discours d'investiture en janvier 2019. En mai 2021, il a instauré l'état de siège dans les provinces de l'Ituri et du Nord-Kivu et, depuis fin novembre, les armées congolaise et ougandaise mènent des opérations conjointes pour traquer les groupes armés, particulièrement les rebelles de Forces démocratiques alliées (ADF). Malgré ces mesures, les massacres des civils n'ont pas cessé dans la zone.

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