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RDC : François Beya Kasonga, la chute d’un « Securitate » qui en savait trop !

Il aura navigué dans toutes les eaux troubles du pouvoir depuis Mobutu à Laurent-Désiré Kabila et Félix Tshisekedi en passant par Joseph Kabila. Lui c’est François Beya Kasonga, « barbouze » de son état et qui demeure l’un des hommes qui en « sait trop » des intrigues et méandres de la politique zairo-congolaise.

Interpellé à son domicile samedi 5 février 2022, le Conseiller spécial du Chef de l’État en matière de sécurité se trouve toujours dans les locaux de l’Agence Nationale des Renseignements (ANR) sans qu’aucune charge ne lui soit officiellement signifié. 

Se disant « n’avoir rien fait et ne se reprochant de rien », il clame par contre « son innocence et attend connaître en détails, les faits qui lui sont reprochés pour lui permettre de mieux se défendre » sur les faits ayant motivés son interpellation.

C’est par ordonnance présidentielle du 2 février 2019 que Félix Tshisekedi nommait Beya Kasonga à la fonction stratégique de Conseiller spécial en matière de sécurité du Chef de l’Etat. 

Ce professionnel des services des renseignements discret et loin d’être un « faucon » des régimes qu’il aura servi, exerçait jusqu’à sa nomination la fonction de Directeur Général de la Direction Générale de Migration (DGM), rattachée au ministère de l’Intérieur. 

Repéré par feu jean Seti Yale, François Beya fait son entrée dans le sérail des services de renseignements zaïrois dans les années 1984.

Plus vite, il deviendra un des bras droits de Seti Yale comme Secrétaire particulier du Conseiller spécial en matière de sécurité, en qualité de coordonnateur adjoint du Conseil National de Sécurité (CNS) dont le coordonnateur de l’époque était l’ambassadeur Albert Mbiya. 

Après des formations complémentaires dans le domaine des renseignements et de contre-espionnage au « Shin Beth » israélien par le Mossad, puis en Belgique et aux Etats-Unis ; Beya Kasonga deviendra le n° 2 du Service National d’Intelligence et de Protection (SNIP) au sein du Département de l’intérieur. 

En 1995, il est nommé Directeur de cabinet de l’Administrateur Général du SNIP de l’époque, feu Jacques Tshimbombo Mukuna décédé en 2021 de suite de covid-19. En 1996, le SNIP devient Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN) lors de l’assaut de la rébellion de l’AFDL.

Proximité de Kabila et rumeur de coup d’Etat militaire 

Jusqu’à son interpellation, François Beya est toujours soupçonné de sa « trop grande proximité » d’avec l’ancien président de la République Joseph Kabila.

Selon des sources bien renseignées, « si tout au début Tshisekedi et Kabila se parlaient et se voyaient régulièrement, ce n’est plus le cas depuis la rupture unilatérale par l’actuel Chef de l’Etat de la coalition Cap pour le Changement (CACH) et le Front Commun pour le Congo (FCC) ». 

Longtemps resté patron de la Direction Générale de Migration (DGM) lorsque l’ex-chef de l’État était au pouvoir, Beya est toujours suspecté de lui être resté loyal. Malgré son côté discret, affable et courtois, François Beya Kasonga fait partie des hommes de confiance de Joseph Kabila.

Félix Tshisekedi et Joseph Kabila ne se parlant presque plus en contact direct, c’est Beya qui jouait les intermédiaires entre les deux hommes.  

Ce que certains proches de Tshisekedi pensaient comme quoi Beya en qualité de conseiller sécurité « lui avait été imposé pour le marquer à la culotte mais il jouait un double-jeu et Tshisekedi le savait depuis fort longtemps ».  Que l’on se souvienne de ses paroles de Tshisekedi lors d’une interview aux médias : « J’ai toujours eu ce don de bien connaitre les gens. C’est pour cela que beaucoup de gens pensent que je me fais avoir, mais en réalité non ; même quand quelqu’un pense qu’il est malin. Moi je sais qu’il pense ça et je sais à quel moment le déchanter. Je me trope rarement ». C’était tout un message adressé aux « apprentis sorciers » tireurs des ficelles commente une source.

Un faux « deal » et traîtrise

C’est ici peut-être le lieu de parler du « deal » ou de « l’accord caché » entre Tshisekedi et Kabila dont tout le monde parle mais personne n’a jamais brandi un moindre document.

Il faut le dire qu’en politique, tout est sujet de compromis et négociations et Kabila l’avait bien compris même s’il avait toutes les possibilité de garder le pouvoir par la force. 

Pratiquant un « double-jeu » de l’alternance tant vanté, Kabila qui préparait un retour au pouvoir le plus rapide que possible s’est-il assis sur sa mainmise sur l’économie, les finances et la sécurité du pays tout entier.

Mais aussi la politique au travers de ses anciennes majorités à l’Assemblée nationale et au Sénat. Ainsi avait-il continué à « mener des actions pour déstabiliser le nouveau régime ».   

Au vu de ce qui se passe en Afrique de l’Ouest et du comportement de certains dignitaires de l’ancien régime de Kabila en perte de tous leurs privilèges, « la possibilité d’un coup d’Etat militaire est prise très au sérieux à Kinshasa et dans les milieux diplomatiques. Les fuites de Kalev Mutond (l’ex-chef de l’ANR), John Numbi (l’ex-patron de la police et de l’armée), Kikaya Bin Karubi (ex-ministre et conseiller diplomatique de Kabila) ; avec tous pour une chute commune l’Afrique australe est un fait » explique une source anonyme.  

« Les voyages fréquents de Kabila lui-même dans cette partie du continent étant un autre, le dernier datant du 25 janvier 2022. L’interpellation de Beya, que tout le monde croyait intouchable ; suffira pour envoyer un message fort à tous les apprentis putschistes en herbe qui pouvaient avoir l’idée de déstabiliser et prendre le pouvoir » poursuit cette source.  Profitant de son statut presque « d’intouchable », François Beya n’avait pas que des amis dans le cercle du nouveau pouvoir qui l’a toujours pris pour une taupe. Son « interventionnisme » dans les affaires privées était très mal perçu, comme dans les conflits parcellaires impliquant des proches amis et autres membres de famille.  Parler d’une traîtrise est aussi une hypothèse à ne pas négliger, surtout lorsqu’on se réfère au précédent : « On a vu un Conseiller en matière de sécurité d’un président en exercice Joseph Kabila pendant plus de 5 ans, en l’occurrence Pierre Lumbi Okongo ; passer avec armes et bagages à l’opposition tout simplement parce qu’il avait fomenté des plans avec les libéraux belges pour porter au pouvoir Katumbi. Alors penser qu’un conseiller en matière de sécurité ne peut trahir, c’est rêver » commente une personnalité anonymement. 

Toutes choses restant égales par ailleurs, François Beya Kasonga est un homme qui en sait trop et avec lequel il faudrait coopérer en l’ayant plutôt avec soi que contre soi, un avenir proche le dira peut-être.

Commentaires (Total : 1)

I
Isaac Musharhamina 08/02/2022 17:14:55

Très bel article mais je crois que FT13, ayant un bilan parsemé de quatre coup d'état veut s'attirer la sympathie alors que rien ne va dans son pays

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