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RDC : Beya Kasonga, une chute brutale et des nouvelles arrestations (EXPLICATIONS)

Depuis son interpellation le 5 février 2022, François Beya Kasonga dit « Fantômas », l’ancien Conseiller spécial du Chef de l’Etat en matière de Sécurité nationale reste toujours en détention. De cette « affaire relevant de la sureté d’Etat et dont seule l’Agence Nationale des Renseignements (ANR) a la compétence exclusive qui ne communique pas sur ses activités », plus rien ne filtre. Il pourrait être bientôt placé en résidence surveillée. Tentative d’explications.

Trois semaines plus tard, des sources sécuritaires font état de plusieurs autres arrestations, notamment des hauts gradés de la Garde Républicaine (GR) ainsi que d’autres unités des Forces Armées ; mais également des civils congolais et étrangers. Ces nouvelles arrestations interviennent quelques jours après la perquisition, le 14 février dernier ; des bureaux de François Beya situés à l’Hôtel Sultani et dans sa propriété de Mont-Ngafula.

Sans connaître ni les noms ni les détails de ce nouveau développement, une seule chose pourtant ; « la loi confère à l’Agence Nationale des Renseignements (ANR) des pouvoirs étendus et en fait l’unique service de l’État capable d’entendre, d’écouter, de surveiller et d’interpeller tout citoyen, qui qu’il soit et quelle que soit sa fonction, lorsque la sûreté de l’État est menacée ».

Sur fond des rumeurs d’un « coup d’Etat monté », la psychose est partout alors que les proches de Beya crient au scandale et de sa prise en otage alors qu’aucune preuve ne lui est brandi jusqu’à ce jour. Cette chute brutale de l’un des hommes les plus puissant du pays ayant même été reliée un moment donné avec une autre disgrâce, toute aussi brutale que surprenante survenue quelques jours plus tôt : celle de Jean-Marc Kabund, qui régnait depuis deux ans comme président intérimaire de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social ; le parti de Tshisekedi.

Et ce, avant que Kasongo Mwema Yamba-Yamba, le porte-parole du Chef de l’Etat ne vienne clarifier sur les ondes de la télévision nationale qu’il « s’agit d’une affaire relevant de la sûreté de l’État » et que « Dans le cas actuel, on peut affirmer que les enquêteurs disposent d’indices sérieux attestant d’agissements contre la sécurité nationale » sans aucun autre commentaire.

Mais pour quelles preuves jusque-là si ce n’est cette double mise en garde de la présidence de la République comme quoi « Le processus démocratique amorcé par la première passation pacifique du pouvoir, en janvier 2019, est un acquis à préserver à tout prix » et « Qu’aucune tentative de déstabilisation des institutions démocratiques ne sera tolérée ».

Expérience et conflits multiples

De la disgrâce à la dégringolade d’un homme réputé intouchable qui depuis Mobutu aux deux Kabila, avait su naviguer au cœur du pouvoir ; François Beya, l’homme d’expérience mais aux conflits multiples n’aura chuter que sur une seule marche : celle d’une présumée compromission et des intrigues du palais où il n’avait pas que trop d’amis selon des sources renseignées.

De l’ancien président ad intérim de l’UDPS Jean-Marc Kabund qui n’hésitait pas à le critiquer publiquement lorsque leurs points de vue divergent comme après son intervention à Kigali au Rwanda aux amis du Chef de l’Etat de la diaspora, tout le monde doutait de sa loyauté intégrale. Sa proximité d’avec l’ancien Président de la République honoraire Joseph Kabila que beaucoup soupçonnait n’étant pas non plus loin de sa chute brutale.

« Il était clair qu’il y avait des soupçons sur la loyauté de Beya, j’imagine qu’il est finalement allé trop loin.il n’a pas compris la dynamique du palais, Tshisekedi écoute beaucoup ses amis et sa famille biologique; c’est à eux qu’il fait plus confiance » commente un diplomate en poste à Kinshasa ainsi qu’une autre source bien renseignée du microcosme politique de Kinshasa.

François Beya avait des relations conflictuelles avec plusieurs membres du premier cercle présidentiel à l’instar de Yane Fumuatu, son assistant principal, qu’il avait suspendu de ses fonctions en décembre 2020 ; avec interdiction de quitter le pays. Accusé d’insubordination, d’usurpation de qualité et de trafic d’influence, ce dernier avait pourtant accompagné Félix Tshisekedi partout lors de sa dernière campagne électorale. Toujours influent, Yane Fumuatu n’a pas oublié ce camouflet que le conseiller sécurité lui a infligé.

Les relations de Beya avec le très écouté Conseiller privé du chef de l’État, Fortunat Biselele, n’étaient pas non plus les meilleures. « Bifort » comme l’appelle ses amis, Biselele avait été convoqué par le CNS en novembre 2021 dans le cadre d’un conflit avec d’autres personnalités proches du président et Corneille Nangaa, l’ancien président de la commission électorale nationale indépendante dans une affaire autour d’un carré minier qui avait été promis aux Emiratis après le voyage du Chef de l’Etat à Dubaï.

À la suite de cette affaire, François Beya s’était vu retirer une partie de ses prérogatives au profit de l’ANR. Il n’avait d’ailleurs pas été associé à la nomination de Jean-Hervé Mbelu à la tête de l’agence révèle une source confirmée.

Un « maître espion » cueilli par ses propres élèves subordonnés, on parle même d’un enregistrement audio réalisé à son insu par un membre de son équipe lors d’une conversation privée ayant provoqué la « furie » de Tshisekedi après l’avoir écouté. Beya s’y plaignait de certains des collaborateurs du Président dont il regrettait qu’il ne « gère qu’avec des incompétents et des jouisseurs ».

Une source anonyme gouvernementale affirmant que « Le Président ne peut pas se permettre de lâcher Beya à cause d’une guerre de palais. Il y a eu trahison de sa part ! ». Après les perquisitions de ses bureaux de l’Hôtel Sultani et du CNS comme de sa maison de Mont-Ngafula, il se dirait qu’il y a des informations concordantes qu’il ferait « partie d’un réseau qui visait la déstabilisation des institutions depuis l’intérieur et à l’extérieur du pays avec même des histoires minières ». Raison de sa mise « sous surveillance depuis un certain temps » selon une source proche de l’enquête.

Le choix de Beya par Tshisekedi l’était dans un premier temps par « nécessité » d’urgence du nouveau Président de la République, qui avait urgemment besoin d’une personne expérimentée comme Conseiller en matière de sécurité pour chapeauter le redouté Conseil National de Sécurité (CNS) qui coordonne la plupart des services de renseignements du pays. Mais aussi par la « raison » de quelqu’un qui connaissait bien où en étaient les dossiers du pays et comment ils devaient être traités, cet homme c’était donc François Beya.

Vétéran des services depuis le régime Mobutu, Beya était de la première génération d’officiers des renseignements zaïrois formés par le Mossad israélien. Recruté par feu Seti Yale, le patron des renseignements de Mobutu, et parrainé par feu Honoré Ngbanda, l’un des plus fidèles « sécurocrates » du maréchal, il a depuis servi tous les régimes, tissant sa toile au sein du Centre national de documentation (l’ancêtre de l’ANR), puis de la Direction Générale de Migration (DGM), dont Joseph Kabila lui confiera les rênes les dix dernières années de son règne.

Cet homme que l’on décrit comme « courtois » et également très riche malgré ses « habits de flic » possède un vaste réseau qui s’étend de Kinshasa à Bangui, en passant par Brazzaville et Kigali. Son sort ayant même été évoqué lors du sommet quadripartite de Oyo chez Sassou N’Guesso avec Museveni et Eyadema, tous voulant s’assurer que tous ses « droits étaient respectés ».

Beya possédait aussi des entrées dans les ambassades occidentales de Kinshasa et était un contact privilégié pour les services de renseignements étrangers, y compris pour la CIA. Hasard du calendrier ou simple coïncidence, il a été interpellé deux semaines après la visite à Kinshasa de Daleep Singh, le numéro deux de la sécurité intérieure américaine.

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