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JT en RDC : Face à l'incohérence des autorités, Dr. Mukwege relance les plaidoyers pour une justice holistique en faveur des victimes

Le Prix Nobel de la Paix 2018, Dr. Denis Mukwege, vient de relancer son plaidoyer pour garantir aux victimes des atrocités de masse commises depuis des décennies en RDC le droit à une justice holistique, incluant la justice, la vérité, des réparations et des garanties de non répétition.

Dans sa déclaration du 3 août 2023, intitulée : "Justice Transitionnelle en RDC : " pour une éthique de responsabilité", le Nobel Congolais note que la culture de l’impunité alimente grandement la récurrence des conflits et la perpétuation des crimes les plus graves, notamment ceux à caractère sexuels et sexistes, et constitue donc un obstacle majeur à l’instauration d’un Etat de droit et au rétablissement d’une paix durable en République Démocratique du Congo (RDC).

Raison pour laquelle depuis de nombreuses années il plaide sans relâche aux côtés des victimes et des survivant(es) pour que l’on mette à profit la plus-value de tous les mécanismes de la justice transitionnelle en RDC, en tenant en compte la dimension internationale des conflits.

Espoir de courte durée

Le célèbre défenseur des droits humains souligne que l'expression de la volonté politique du Président de la République de placer la justice transitionnelle à l’agenda du gouvernement en décembre 2020 avait suscité l’espoir que les autorités congolaises adoptent et mettent en œuvre une stratégie nationale de justice transitionnelle, comme le recommandent nombreux rapports, y compris le rapport Mapping du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme.

La Fondation Panzi, dont il est initiateur, a mis la main sur la patte afin de rendre effective cette politique. En juin 2021, elle a publié une « Note de plaidoyer pour l’adoption d’une stratégie nationale holistique de justice transitionnelle en RDC », en insistant sur la nécessité de combiner des mécanismes judiciaires et non judiciaires, qui sont complémentaires, et de prioriser les poursuites judiciaires pour mettre fin à l’impunité et les réformes institutionnelles pour garantir la non répétition.

Dans la foulée, des consultations organisées par le Ministère des droits humains dans quelques Provinces de la République, un comité scientifique chargé de l’élaboration d’un projet de politique nationale de justice transitionnelle (PNJT) en RDC a remis son rapport final en décembre 2022 avec, en annexes, un projet de politique nationale, un projet de loi-cadre de justice transitionnelle, un projet de loi organique portant création de chambres spécialisées mixtes et un chronogramme pour l’ensemble du processus.

"Alors que nous insistons aux côtés de nombreux experts sur le besoin d’adopter une politique nationale et une stratégie nationale holistique de justice transitionnelle intégrant tous les mécanismes afin qu’ils soient menés simultanément autant que faire se peut (réformes institutionnelles et garanties de non-répétition, poursuites judiciaires, réparations, mécanismes de recherche de la vérité), avant d’élaborer un cadre normatif pour «ne pas mettre la charrue avant les bœufs », le Président a signé le 26 décembre 2022, la loi dite FONAREV, relative à la protection et à la réparation des victimes de violences sexuelles liées aux conflits et des victimes des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité", déclare Mukwege. 

L'homme qui répare les femmes rappelle que quelques mois tard, à l’ouverture de la 52e session du Conseil des Droits de l’Homme, le Président réaffirmait à Genève en date du 27 février 2023 son engagement à mettre en œuvre la justice transitionnelle en RDC en s’engageant, d’une part, à soumettre l’avant-projet de loi-cadre au Parlement en mars 2023 et, d’autre part, à œuvrer à la mise en place d’un Tribunal Pénal International pour la RDC (TPIRDC) ou encore une Cour pénale spéciale et des chambres spécialisées mixtes.

Le revirement du chef de l'Etat, Félix Tshisekedi.

A ce jour déclare le Prix Nobel de la Paix 2018, le projet de loi-cadre n’est toujours pas adopté. Pour lui, il est curieux d’entendre le Chef d’État « plaider » pour un objectif qui relève, en bonne partie, de sa sphère de responsabilité.

" En effet le plaidoyer est le propre de l’action de la société civile alors qu’un Président est appelé à « décider », agir et à créer les conditions pour faire aboutir ses priorités. Pourtant, aucune lettre officielle réclamant l’établissement d’un TPIRDC n’a été soumise à ce jour par la RDC au Conseil de Sécurité des Nations Unies, aucune démarche diplomatique congolaise n’a été initiée pour travailler de concert avec un État membre du Conseil de Sécurité à l’élaboration d’une résolution pour trancher cette question", regrette-t-il.

Le manque de cohérence des dirigeants Congolais.

A l’occasion du lancement le 2 août 2023 de la journée commémorative du génocide congolais, le Président Félix Tshisekedi a « encouragé le Parlement à prendre des lois visant à écarter les auteurs de crimes de l’accès aux responsabilités » affirmant que les vieilles recettes – lois d’amnistie ou intégration au sein des administrations publiques – consacrant l’impunité sont à oublier, exprimant son souhait de mettre fin à la politique immorale d’accorder des promotions à ceux qui devraient répondre de leurs actes devant la justice nationale et internationale.

Pour le célèbre gynécologue congolais, le Chef de l’État ne semble pas saisir l’importance d’intégrer les réformes institutionnelles dans la mise en œuvre d’une stratégie nationale holistique de justice transitionnelle, alors que le lien le plus manifeste entre la justice transitionnelle et la réforme des institutions consiste précisément dans la mise en place d’une procédure d’assainissement (vetting) des agents de l’Etat.

De plus renchérit-il, le Président Congolais n’apparaît pas sensible au respect du principe de cohérence, lui qui a, entre autres, profité du dernier remaniement du gouvernement en mars 2023 pour nommer 2 ex-chefs de guerre au rang de Ministre et Vice-Premier Ministre, après avoir désigné, deux ans plus tôt, soit le 7 août 2021, un ancien cadre du Rassemblement Congolais pour la Démocratie et chef d’une milice, l’Alliance de Libération de l’Est du Congo (ALEC) proche du M23 et du Rwanda, au poste de coordinateur national du Programme National de Démobilisation, Désarmement, Relèvement communautaire et Stabilisation (PDDRC-SS).

Ainsi,  le Prix Nobel de la Paix 2018, a décidé de relancer son plaidoyer pour garantir qu’à l’instar de tous les peuples martyrs, le droit à une justice holistique, incluant la justice, la vérité, des réparations et des garanties de non répétition. Conditions sine qua nones pour parler de réconciliation et parachever la transition de la dictature à la démocratie et de la guerre à la paix.

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