Mgr Christophe Munzihirwa 28 ans après : ses messages sont restés vifs.
29 octobre 2024-29 Octobre 1996, 28 ans depuis l'assassinat de Christophe MUNZIHIRWA, archevêque du diocèse de Bukavu de 1994 à 1996. Voué à la défense d’une cause noble, il n’avait pas cédé à la pression de l’envahisseur de la République Démocratique du Congo. De son vivant, il a prêché l’amour de la patrie. Ce qui lui valut la vie. Des rebelles de l’AFDL l’ont lâchement abattu à la place Nyawera dans la commune d’Ibanda à Bukavu à l’Est de la République Démocratique du Congo.
A ce jour, ces messages qui revenaient sur le sens de l’humanisme et de l’amour de la patrie, la foi inébranlable et la lutte pour la paix sont restés d’actualités. La Commission Diocésaine Justice et Paix « CDJP » est revenue sur quelques messages, dont la rédaction de libregrandlac.com vous propose :
« Nakushukuru ee Bwana ». Il serait là toujours en action de grâce au regard du développement et de l’épanouissement des oeuvres diocésaines. Il serait heureux de prier à Lukananda ou à célébrer dans des nouvelles belles églises avec des nouveaux consacrés. Il apprécierait la vitalité réelle de nos CEV par endroits avec beaucoup d’initiatives en voyant tout le diocèse en chantier dans plusieurs domaines. Mère et éducatrice, l’Eglise de Bukavu ferait sa fierté.
Ne fuyez pas vos maisons. Ne désertez pas vos villages. Aujourd’hui nos villages se vident de leurs jeunes. Ils viennent flâner en ville à vendre des galettes ou à se promener à longueur de journées. D’autres vont dans des carrés miniers et délaissent l’agriculture s’ils n’ont pas été enrôlés dans des groupes armés qui tuent, violent et volent. Nombreux rentrent sur des motos attachées en cadavres après avoir dilapidés leurs biens en exil.
Les autorités politico-administratives. Il fustigerait sans peine la corruption et le clientélisme qui gangrènent nos structures. On mange l’argent de l’Etat à ciel ouvert sans remord. On s’associe aux mouvements mafieux qui pillent sans scrupule, on signe des documents qu’on ne respecte pas. On fait la politique pour les besoins du tube digestif. Le social est le cadet des soucis des plusieurs dirigeants à différents niveaux. On passe le temps à bavarder constitution alors que le pays est en péril aux mains des charognards par endroits. On dirait que la balkanisation économique est en marche et celle politique risque de suivre.
Il y a les serpents partout mais les gens se promènent sans bâtons… Interpellation faite le 21 Juillet 1996 à Burhale en pleine homélie d’ordination sacerdotale. La distraction et l’insouciance sont à la base de la destruction de notre Patrie. Personne ne se sent responsable et on laisse passer même l’inadmissible. Trop des compromissions et surtout manque de courage et de lucidité. Mgr Munzihirwa n’aimait pas la médiocrité sous toutes ses formes.
“Vijana muniunge mukono, nilisha kuwa mzee”.Il aimait les jeunes mais il les interpellait vivement. Aujourd’hui ils sont dans les boissons fortement alcoolisées, ils refusent tout effort et veulent être des héritiers des biens dont ils ignorent l’origine. Ils veulent gagner tout et tout de suite, ils sont à longueur des journées sur les réseaux sociaux à vendre du vent et à chanter pour des politiciens qui les instrumentalisent sans honte.
Soyons chrétiens : Probablement que Muhudumu ne manquerait pas de tacler nos incohérences de vie. Nous sommes nombreux à communier sans vivre la communion entre nous et ce n’est pas normal que le phénomène « mujakazi » prospère au sein de nos communautés chrétiennes. Un peu partout, on trouve des cliniques pirates pour soigner des poisons. C’est le fruit de la jalousie et de la vengeance qui ne devraient pas élire place au milieu de nous.
La mission des universités : les facultés d’agronomie ont augmenté mais la faim ne diminue pas. Les juristes sont partout mais la justice est male rendu. Trop d’écoles privées demeurent des petites boutiques mais quel est l’impact réel ? « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » car nous avons trop des diplômes incapables de transformer le vécu quotidien.
Les conflits sous-régionaux qui endeuillent les familles : Il ne pourrait pas se taire sur le nombre croissant des déplacés internes dans leurs propres pays, sur la prolifération des armes légères et le pillage éhonté des ressources naturelles et surtout la destruction de l’écosystème. Bientôt Bukavu sera dans le lac et plusieurs collines sont nues et la faim frappe de plein fouet toute la population. Il appellerait à une croisade contre la manipulation de nos identités et inviterait à une paix qui vient de Dieu seul et qui s’épanouit dans nos cœurs.
Forces de l’ordre et les tracasseries. Trop des barrières « pour contrôler les inciviques » mais les grands délinquants se promènent et prospèrent avec la vente des minerais pillés et des trafics illégaux des boissons fortement alcoolisées. Chaque jour sans frais. Plus on est honorable, plus on a la licence de la fraude.
Attention à l’hypocrisie de la Communauté Internationale : Ils nous maintiennent la tête sous l’eau depuis plusieurs années à cause de nos lâchetés et de notre manque de sérieux à travailler pour nos intérêts. Ils pillent et nous remboursent avec des petites aides au développement qui nous obligent à payer des dettes et jamais rien ne décolle. On nous impose des experts et des plans de redressement taillés sur mesure. La guerre est là car c’est un business. Aux uns on donne de l’argent pour organiser les plaidoyers et les tables rondes, aux autres on donne des armes, aux autres un semblant de pouvoir. Tout cela dans le but de nous maintenir dans la conflictualité et à nous dire que nous sommes responsables de notre malheur. Probablement Munzihirwa est mort pour avoir dénoncé cette hypocrisie dans laquelle tout le monde était à l’aise sauf son peuple dont il incarnait le prophète.
La sacralité de la vie et la dignité de la personne humaine : Mgr Munzihirwa 28 ans après sa mort, nous sentons la soif d’un homme qui était altruiste, capable de se sacrifier pour sauver qui criait et était dans le besoin. Il haïssait l’injustice et dénonçait la guerre et demandait à ceux qui aiment cette sous-région d’y bâtir des ponts et nos des murs de séparation. Nos frontières ne sont pas des barrières. L’autre est une chance et non une menace à éliminer.
La simplicité de la vie. Son accoutrement, ses moyens de transport, sa mimique, sa compagnie : tout cela témoigne que Mgr Munzihirwa était petit au milieu des petits, simple au milieu des simples. Aujourd’hui tout le monde veut être autorité morale, excellence, honorable. A chaque coin de la rue, il y a un président de quelque chose. Mgr Munzihirwa nous interpelle aujourd’hui sur notre mode de vie. La grandeur d’un homme ne se mesure pas à ce qu’il a mais à ce qu’il est.
A ceux ou celles qui n’ont eu les yeux que pour pleurer, les oreilles pour entendre les bruits des balles, les jambes pour fuir un ennemi criminel mais sans visage, leurs cœurs pour sangloter : l’espoir est permis. Le Serviteur de Dieu Mgr Christophe Munzihirwa prie pour nous tous et pour cette sous-région.
Commentaires (Total : 2)
Onésiphore
Que le Seigneur Jésus-Christ console la RDC, c'est un témoignage à imiter.
Wilfred Hamisi
Jeune étudiant de foi catholique et amoureux de ma patrie, j'ai cotoyé Monseigneur l'Archeveque jusqu'à une semaine de son assassinat par les militaires rwandais ayant réçu l'ordre directe de Kigali. Il fallait tuer le bon berger pour que les brébis aient peur et se dispersent en fuillant le...