Lapsus Révélateur au Sommet du Pouvoir Ougandais : Le pavé dans la marre du fils Museveni
Depuis la fin du dernier week-end, Muhoozi Kainerugaba, l’aîné des fils Museveni jusque-là général et patron de la force terrestre de l’armée ougandaise (UPDF), se déchaîne littéralement contre le Kenya de William Ruto.
Sur les réseaux sociaux dont il est friand, le général Muhoozi larguait déjà, dimanche 2 octobre 2022, une de ces piques dont il est coutumier, contre les forces armées de la région cette fois-là. « L’UPDF et le RDF (armée rwandaise) sont les plus grandes armées d’Afrique. Nous pouvons vaincre n’importe quel ennemi qui nous menace », écrivait-il sur son compte Twitter. Un posting qui intervient in tempore suspecto, 9 jours après qu’un contingent de l’armée kenyane eut gagné le territoire de la RDC dans le Nord-Kivu où les Rwandais et leurs affidés du M23 occupent la localité de Bunagana depuis une centaine de jours dans le cadre du déploiement de la force militaire de l’East African Community (EAC).
Réunis en juin dernier à l’initiative de l’alors chef de l’Etat kényan, Uhuru Kenyatta, les chefs d’Etat de l’organisation régionale avaient décidé la mise en œuvre d’une force militaire régionale pour éradiquer les groupes armés nationaux et étrangers qui écument l’Est de la RDC depuis trois décennies.
Ce n’est plus qu’un secret de polichinelle, les principaux groupes armés étrangers, et sans doute les plus dangereux de tous entretiennent des attaches avérées avec Kigali et Kampala qui les manipulent. La résurgence du M23, une mutinerie vaincue par les FARDC soutenues par la Monusco en 2013, est une initiative de Kigali, selon un récent rapport d’experts onusiens qui confirme du reste l’intervention de l’armée rwandaise aux côtés de ce groupe terroriste sur le territoire congolais. Alors que des sources crédibles accusent Kampala d’avoir facilité la tâche à leurs alliés des RDF dans la prise de la bourgade congolaise frontalière de Bunagana il y a quelques mois.
Contre la présence des troupes de l’EAC
Dans l’entendement commun, en RDC particulièrement, la sortie médiatique du général Muhoozi est perçue comme une réaction contre le déploiement de la force de l’EAC dans la région sous occupation rwandaise de Bunagana. Les tweets postés par le fils aîné de Yoweri Museveni, par ailleurs présenté dans une certaine opinion en Ouganda comme son dauphin, confirment cette appréhension.
Lundi 3 octobre, Muhoozi montait littéralement sur ses grands chevaux en déclarant qu’« il ne nous faudrait pas, à mon armée et moi, deux semaines pour capturer Nairobi ». Avant de se moquer de la constitution et des lois qui gouvernent le Kenya. « Haha ! J’aime mes parents kenyans. Constitution ? Règle de loi ? Tu blagues ! Pour nous, il n’y a que la révolution et vous l’apprendrez bientôt !».
Aucune réserve donc, de la part de cet enfant gâté qui est devenu par la seule volonté de son père, un des plus hauts gradés de l’armée ougandaise vis-à-vis de la politique intérieure d’un pays membre de l’EAC. Muhoozi Kainerugaba a égratigné au passage le président William Ruto, vainqueur de la dernière présidentielle kényane. « Mon seul problème avec mon frère aîné bien aimé, c’est qu’il ne s’est pas présenté pour un troisième mandat. Nous aurions gagné facilement », écrit-il au sujet du chef de l’Etat sortant, Uhuru Kenyatta.
« Je viens de parler avec mon grand frère Afande Uhuru. Un homme incroyable ! Je l’aime pour son courage, son honnêteté et son intelligence. Il se rendra en Ouganda », s’extasie-t-il. Avant d’ajouter : « après avoir créé notre fédération d’Afrique de l’Est, le président Museveni sera président ; Afande Ruto vice-président ; mon frère Uhuru ministre des Affaires étrangères. Je veux juste être chef de l’armée de l’Afrique de l’Est. Après avoir capturé Nairobi, j’emmènerai ma femme faire le tour de notre district ».
Puis, s’adressant aux kényans, manifestement inconscient des dommages ainsi causés à la convivialité entre les Etats de la région par ses tweets irresponsables, il a conclu : « nous allons être un seul pays. Toute guerre contre nous se terminera rapidement ».
Plus réaliste, le Raïs ougandais a aussitôt annoncé qu’il déchargeait son fils du commandement des forces terrestres en lui accordant néanmoins un grade supplémentaire dans la hiérarchie de l’UPDF. Cette posture contradictoire au sommet de l’Etat ougandais donne lieu à diverses conjectures.
Réactions indignées
En Ouganda, Robert Kyagulanyi Ssentamu alias « Bobi Wine », député de la circonscription de Kyandongo (centre du pays), chef de file de l’opposition à Yoweri Museveni a demandé au fils à Papa Muhoozi Kainerugaba de s’excuser publiquement pour « ses remarques imprudentes ».
S’adressant ensuite aux Kényans, Bobi Wine a choisi de les prendre à témoins sur la situation politique en Ouganda. « Chers Kényans, vous comprenez maintenant ce que signifie vivre en Ouganda sous Museveni et son fils, qu’il a gratifié de plus hauts grades militaires et placé au sommet de nos forces terrestres », écrit cet opposant, également artiste-chanteur et homme d’affaires.
Pour sa part, le Dr. Kizza Besigye, ancien médecin personnel de Museveni devenu lui aussi opposant et challenger du Raïs ougandais lors de la présidentielle 2001 attire l’attention des voisins kényans sur les propensions annexionnistes des responsables militaires de son pays. « L’histoire se répète ? Les généraux ougandais cherchant à contrôler le territoire kényan 46 ans après Idi Amin, c’est maintenant le général Muhoozi ! C’est pourquoi les Kényans ne peuvent pas prendre (les propos de Muhoozi, ndlr) à la légère », a-t-il posté sur son compte Twitter.
Même si elles n’ont été diffusées que sur les réseaux sociaux, les déclarations de Muhoozi Kainerugaba ont provoqué un incident diplomatique avec le Kenya.
A Nairobi, le sénateur et allié de William Ruto à la dernière présidentielle a déploré des propos causant des tensions diplomatiques inutiles entre deux pays qui cultivent une coexistence pacifique depuis plusieurs années. « Je m’attends à ce que le ministère des Affaires étrangères convoque l’ambassadeur ougandais pour faire la lumière sur les propos du général Muhoozi sur les réseaux sociaux et exige des excuses. Cela sape l’esprit d’unité de la communauté de l’Afrique de l’Est », a déclaré à la presse Samson Cheragei qui a également demandé que des mesures soient prises à la suite des commentaires du général ougandais contre le Kenya.
Mardi 4 octobre 2022, Hassan Wasswa Galiwango, ambassadeur d’Ouganda au Kenya était convoqué par Alfred Mutua, secrétaire de cabinet de William Ruto en charge des Affaires étrangères. Rien n’a filtré des entretiens entre les deux personnalités mais il a été observé un changement radical d’attitude de la part de l’inénarrable Muhoozi sur son compte Twitter. « J’ai eu une bonne discussion avec mon père ce matin. Apparemment, mes tweets ont trop effrayé les Kényans. Il annoncera les changements. Il y a une prière spéciale que je ferai pour notre armée » a-t-il innocemment posté sur son compte. « Je ne battrai jamais l’armée kényane parce que mon père m’a dit de ne jamais le tenter ! Donc, nos gens au Kenya devraient se détendre », a-t-on encore pu lire sur un des derniers tweet du fils Museveni.
Une prime pour le fou du roi
En guise de « changements » annoncés, la presse ougandaise a effectivement annoncé, le même mardi 4 octobre, le remplacement de Muhoozi Kainerugaba au commandement des forces terrestres ougandaises et son élévation au grade de général d’armée, le plus élevé dans l’UPDF, assortie de sa nomination comme conseiller principal à la présidence pour les opérations spéciales. Il a été remplacé à la tête des forces terrestres par le général major Muhanga Kayanja, jusque-là chargé des opérations conjointes UPDF-FARDC.
Museveni n’a donc nullement puni son fils aîné dont les lapsus sont révélateurs des desseins politiques de Kampala dans la région.
L’ire du fils du Raïs ougandais dont les liens avec son oncle, le général Salim Saleh, auteur des pillages en RDC pendant la « 1èreguerre mondiale africaine du Congo » sont notoires, paraît justifiée par les dernières déclarations du nouveau président kenyan William Ruto sur la situation sécuritaire à l’Est de la RDC, quelques jours plus tôt. « La guerre de l’Est de la RDC fait perdre au Kenya et à la Tanzanie plus de 10 milliards USD par an », avait déclaré Ruto le 24 septembre 2022 sur Al Jazeera, expliquant que les importations et exportations des provinces de la RDC transitaient par le port de Mombassa et que l’insécurité dans ce pays entraînait un important manque à gagner pour son pays. D’où la nécessité, selon lui, de déployer des éléments des forces armées kényanes en vue d’y stabiliser la situation. « C’est notre quartier, nous n’avons pas le choix. Si nous ne nous impliquons pas, cela empirera », a encore expliqué le nouveau chef de l’Etat du Kenya.
La RDC « quartier commun » à l’Ouganda, au Rwanda et … au Kenya, ça n’a pas l’air de plaire à ceux qui, à l’instar de Salim Saleh et son neveu Muhoozi Kainerugaba, se sont confortablement installés avec leurs alliés rwandais dans la prédation des ressources congolaises.
Difficile de ne pas retrouver dans leurs desseins le fameux projet hégémonique ‘‘hima-tutsi’’ maintes fois célébré dans les tweets de Muhoozi Kainerugaba.
Article à lire sur LAPSUS REVELATEUR AU SOMMET DU POUVOIR OUGANDAIS : Le pavé dans la marre du fils Museveni https://lemaximum.cd/2022/10/06/a-la-une/lapsus-revelateur-au-sommet-du-pouvoir-ougandais-le-pave-dans-la-marre-du-fils-museveni/