Le Dr. Denis Mukwege inquiet de l'incapacite du gouvernement à mettre fin à la Balkanisation de la RDC.

Le prix Nobel de la paix 2018, Dr. Denis Mukwege, était, le week-end dernier, face aux jeunes du Sud-Kivu pour parler de leur contribution pour la refondation de la République Démocratique du Congo. Durant ces échanges, le célèbre gynécologue congolais a condamné le fait que les richesses de la République Démocratique du Congo ne profitent pas aux congolais, faisant d’eux, une des populations les plus misérables au monde.

Dr. Denis Mukwege regrette que tout le monde ait choisi l’indifférence au sujet du « drame» auquel la République Démocratique du Congo est plongée depuis des décennies ayant entraîné des crises multiformes qui fragilisent gravement la société congolaise sur les plans social, économique, politique, sanitaire, infrastructurel, culturel,...

La Balkanisation

Le médecin directeur de l’Hopital de Panzi n’y va pas par chemin détourné. Pour lui, la Balkanisation que plusieurs personnes prétendent combattre est déjà effective en République Démocratique du Congo. Ceci, ce justifie par le fait que les droits fondamentaux du peuple congolais ne sont pas respectés, mais également la prédation d’immense ressources humaines et naturelles.

« Nous disons que nous nous battons contre la balkanisation, est-ce que le Congo n’est pas balkanisé? La balkanisation est déjà faite. Chers amis ce qui nous reste, ce d’etre des apatrides demain. Les richesses du Congo ne servent pas aux Congolais, plutôt aux enfants des occidentaux », affirme Dr. Mukwege.

Il rappelle que les responsabilités incombent au gouvernement Congolais et à tout congolais indifférent au terrible fléau d’anti-valeurs qui avilissent et rabaissent la population dans la misère et une vie d’esclavage.

« Aujourd’hui nous sommes esclaves dans notre propre pays et ceux qui nous vendent comme à l’époque de la traite négrière sont nos propres frères », regrette-t-il.

Pillage des ressources naturelles

Prenant l’exemple de Primera Gold, le Prix Nobel de la Paix 2018 condamne l’attribution du monopole d’exploitation des minerais aux sociétés étrangères. Citant l’article 58  de la Constitution, (Tous les Congolais ont le droit de jouir des richesses nationales. L’Etat a le devoir de les redistribuer équitablement et de garantir le droit au développement), Dr. Denis Mukwege dénonce le pillage systématiquement avec la complicité de gens qui se prétendent être dirigeants abandonnant de millions d’hommes, de femmes et d’enfants innocents dans une misère extrême… tandis que les bénéfices des minerais finissent sur les comptes opaques d’une oligarchie prédatrice.

« Pourquoi devons-nous accepter d'être exploités par nos prédateurs ?. N'y a-t-il pas des congolais qui ont 20.000 dollars ? Tous les moyens sont là pour développer le Sud-Kivu. Mais, les moyens sont détournés. Si nous acceptons tout, on va continuer à nous exploiter. Si nous sommes unis et que nous refusons de rester silencieux, nous pouvons dire non à Primera Gold. Personne ne devrait tirer profit de nos ressources naturelles au détriment de notre peuple »,  a-t-il déclaré.

L’éducation au rabais

Devant des centaines de jeunes, Dr. Denis Mukwege s’est indigné de constater que le système éducatif congolais soit le dernier souci des autorités et ce, en violation de l’article 43 de la constitution. Ce système est désuet et ne bénéficie pas d’un bon encadrement malgré l’annonce de la mise en œuvre de la gratuité de l’enseignement de base. La République Démocratique du Congo a un taux analphabétisme de 27%.

« Je suis professeur d’Université, de fois je rencontre des étudiants en troisième année de graduat incapables de formuler une phrase en Français. Des femmes m’arretent chaque jour au niveau de l’hopital ou à la fondation Panzi pour me demander de payer les frais de scolarité de leurs enfants. On serait combien de parents avec ces problèmes de scolarité de nos enfants alors que l’enseignement primaire est obligatoire et gratuit? », s’interroge-t-il.

Pour lui, cette situation est dramatique  et plonge la jeunesse dans l’incapacité de s’exprimer et de comprendre ses droits afin de rien réclamer. Ceci est pour lui, un plan pour bien écraser la population Congolaise et faire d’elle, des esclaves.

L’intégrité territoriale menacée

Le discours de Mukwege intervient pendant que l’intégrité territoriale est mise en mal par les rebelles du M23.  

Fin mars 2022, ce mouvement a lancé une offensive au Nord-Kivu, affrontant les Forces armées de la République Démocratique du Congo et la MONUSCO. Ils se sont emparés de vastes pans de territoire du Nord-Kivu, provoquant le déplacement de centaines de milliers de personnes, mais aussi, ils ont installé leur propre administration. Les habitants de ces territoires n’ont pas été enrôlés et manqueront certainement d’exercer leurs droits civiques de voter pour les dirigeants de leurs choix aux élections de décembre de 2023.   

Déjà en décembre 2022, Matata Ponyo, Moise Katumbi et Dr. Denis Mukwege, avaient pointé le régime du président Félix Tshisekedi dans l'instabilité sécuritaire dans la partie orientale de la République Démocratique du Congo, notamment par son inertie à faire face à la menace permanente dans les provinces du Nord-Kivu,  Sud-Kivu et l'Ituri où  des rebelles soutenus par des pays voisins font la loi.

Le Dr. Denis Mukwege tout comme Matata Ponyo et Martin Fayulu regrettent qu'au lieu de doter le pays d’une armée efficace et d’institutions solides pour assurer entre autres l’intégrité du pays et renforcer la démocratie, le gouvernement congolais a privilégié une politique d’externalisation de la sécurité nationale à des forces étrangères et, pire, à des Etats à la base de la déstabilisation du pays, du pillage de ses ressources, et des graves exactions. Ce qui est, selon eux, de nature à prolonger et à aggraver l’instabilité.

Ils invitent la population congolaise à prendre ses responsabilités en mains pour agir avec courage, hauteur, sagesse et détermination, sans cela, elle aura été témoin-complice de l'émiettement, donc de la balkanisation de la République Démocratique du Congo.