Soucieux de montrer comment Jésus répond vraiment à l'attente d'Israël, au moment même où il semble la décevoir, Matthieu nous donne un récit de la visite de Mages d'Orient. Ces tenants du savoir et d'une richesse qui ont jadis servi à l'écrasement d'Israël sont maintenant ceux qui rendent hommage à Jésus, à un Jésus méconnu et persécuté par les siens, ceux qui, pourtant disposaient des prophéties divines. (Père Xavier Bugemesj)
Mes chers Paroissiens, chers frères et sœurs,
Paix !
Nous célébrons aujourd'hui l'Épiphanie du Seigneur.
Première lecture ls 69, 1-6
Ps 71
Deuxième lecture Ep 3, 2-3.5-6
Évangile Mt 2, 1-12
Héros de bandes dessinées, vedettes du cinéma, du sport ou de la chanson... personnages politiques dont nous attendons le renouvellement de la société... En toutes ces personnes, nous projetons nos rêves de réussite et de grandeur
Souffrant, au fond de nous-mêmes, de nos médiocrités, de nos échecs, de l'incompréhension qui nous entoure, nous cultivons ainsi par personnes interposées notre espérance de devenir enfin ce que nous voudrions être. A travers eux, nous disons inconsciemment nos désirs d'affirmation plus ou moins sauvage de nous-mêmes.
Même Jésus peut être utilisé pour entretenir en nous notre besoin instinctif de revanche sur ceux auxquels nous nous heurtons. Ne fera-t-il pas triompher un jour les "bons" que nous sommes ?
Mais Jésus est tout autre. Il est lumière du monde, certes. Mais, manifestation visible de Dieu (dest le sens du mot l'épiphanie"), il ne révèle rien d'autre que l'amour poussé jusqu'à l'acceptation de la mort.
Pour nous accompagner dans notre prière, je vous propose cette réflexion de Mgr Jean Scarcella (www.cath.ch).
Bonne méditation à toutes et à tous.
( Père Xavier Bugeme sj)
La crèche de Bethléem est toujours là, rien n’a changé et pourtant nous ne ressentons pas la même joie aujourd’hui qu’à Noël. Alors qu’aujourd’hui c’est grande fête et jour solennel, on ne retrouve pas cette atmosphère douillette et chaleureuse de la messe de Minuit. Pourquoi ?
La crèche est toujours dans la même étable, avec Jésus, Marie, Joseph, le bœuf et l’âne. Rien n’a changé… Est-ce si sûr, après tout, que rien n’ait changé ? Aujourd’hui nous vivons une fête aux dimensions de Noël – c’est encore Noël aujourd’hui –, mais elle est d’un autre ordre, c’est vrai. Tant Noël touche à l’affectif, à la chaleur humaine, l’Épiphanie se rapporte à la raison, à la foi du cœur. Le scénario, pour exotique qu’il soit, ne peut pas régater en attendrissement avec la naissance d’un enfant dans les conditions que l’on sait, mais il doit nous interroger de par sa force évocatrice sur la venue de Dieu en ce monde. Certes, Jésus, on est sûr qu’il a existé, c’était un bébé comme les autres, né comme les autres, tandis que ces mages, rois de surcroît, on ne sait pas trop à quelle espèce ils appartiennent, et, fondamentalement, ils nous questionnent ! En fait, trouver un bébé dans une mangeoire en forme de berceau improvisé, on peut encore y croire et l’accepter, mais que des inconnus se déplacent de l’Orient jusqu’à Bethléem en suivant une étoile qui apparaît, disparaît, réapparaît… ça, cela relèverait presque de la fiction ; cela nous questionne !
Nous sommes provoqués à nous mettre en chemin, les yeux levés pour voir l’étoile
On le voit, ces deux fêtes de Noël et de l’Epiphanie sont, d’une certaine manière, colorées différemment. Et pourtant elles sont si proches l’une de l’autre !
La grande différence réside dans la manière de découvrir et de rencontrer Jésus. A Noël, il nous est donné, on le découvre, c’est comme si nous assistions à sa naissance – à l’Épiphanie, il nous attend, on le rencontre ; c’est pourquoi il nous provoque à sa recherche, nous appelant à nous rassembler pour goûter au mystère de la manifestation d’un Dieu venu dans la nuit du monde pour sauver tous les hommes, provoqués à se mettre en chemin, les yeux levés pour voir l’étoile.
la foi, c’est voir à l’intérieur
La marche laborieuse des mages à la lumière de l’étoile évoque la marche de la foi à la recherche du Christ. Et, lorsqu’on le trouve, il se manifeste à nous : c’est une épiphanie. Maintenant que Jésus est né, on ne va plus, pour se rassembler, à la ville lumière de Jérusalem. Cela veut signifier que la lumière du roi n’est plus là ; tout le pouvoir d’Hérode est devenu impuissant. Tous les savoirs des prêtres et des scribes ne servent plus à rien ; ils savent dire où doit naître le roi des Juifs, mais ils n’éprouvent pas le besoin de s’y rendre. C’est alors que l’étoile réapparaît dès que les mages quittent Jérusalem. A nouveau ils la voient. Mais quel type de vision est-ce ? Que leur est-il vraiment donné de voir ? En fait ils voient avec leur foi ; la foi, c’est voir, voir à l’intérieur, voir au-delà de la réalité. Ils voient dans la confiance un chemin à parcourir, ils sont « les nations qui marchent vers la lumière », la marche de la foi. La foi n’est ni pouvoir ni savoir comme pour Hérode, les prêtres et les scribes, non, elle est «voir». Et voir quoi ? La lumière du Seigneur. Son être, son amour, sa Parole. Tout cela a pris chair la nuit de Noël et nous est offert en cadeau ce jour de l’Épiphanie, le jour de la manifestation à toutes les nations de Jésus, Fils de Dieu, Christ et Sauveur.
Dieu se manifeste aujourd’hui à tous les peuples
Alors vous voyez, frères et sœurs, la fête d’aujourd’hui n’est pas la joie d’une visite personnelle à la crèche, la fête d’aujourd’hui est un appel au rassemblement auprès du Sauveur, Jésus. Aujourd’hui Dieu se manifeste à tous les peuples et non pas à quelques privilégiés, comme le furent les bergers la nuit de Noël, comme le sont les chrétiens croyants d’aujourd’hui. Jésus n’est donc pas venu sur terre pour les chrétiens seulement, mais pour tous les hommes. Oui, Dieu se manifeste aujourd’hui à tous les peuples ; ce sont eux qu’il faut découvrir cachés sous le symbolisme des trois rois mages, de surcroît de trois races différentes, ce que nous rapporte, et pour cause, la tradition.
Le salut de Dieu s’offre à tous
Et maintenant, à ce stade de notre réflexion, il convient de bien lire l’extrait de la Lettre aux Ephésiens de saint Paul. La scène des mages, frères et sœurs, resterait purement exotique et sympathique, si Paul n’en donnait pas le sens profond : un grand projet de Dieu se dévoile, concernant tous les hommes, sans distinction d’origine. Paul répond à Isaïe, le visionnaire, dont la prophétie brosse un magnifique tableau où l’on voit les peuples se rassembler autour de la lumière de la nouvelle Jérusalem. C’est tout le mystère de la nouvelle alliance qui verra se rassembler dans la nouvelle Jérusalem tous les peuples de la terre pour proclamer les louanges du Seigneur.
Saint Paul nous y exhorte, frères et sœurs. Par l’Esprit qu’il a reçu, il sait que les païens qui ne connaissent pas encore le Christ sont associés à la vie nouvelle dans le Christ. Ce mystère du Christ, comme il dit, « c’est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse… ». On est bien d’accord pour tout cela, mais comment est-ce possible pour qui ne connaît pas le Christ ? Saint Paul précise alors en fin de phrase : « …au partage de la même promesse : dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Evangile ». Oui, mais l’Ecriture dit gentiment le contraire puisque seuls les fils d’Abraham et de Moïse ont reçu les promesses divines… Or, dans le Christ maintenant, martèle saint Paul, le salut de Dieu s’offre à tous ! Voilà le mystère que Paul a connu par révélation, et pour lequel il a voué sa vie en annonçant l’Évangile. C’est à cela que doit conduire l’Épiphanie.
Une épiphanie pour le monde
Chers amis, vous avez aimé l’ambiance chaleureuse de la nuit de Noël, n’est-ce pas ? Il faut maintenant suivre votre raison pour entamer le combat de la foi dans l’annonce de l’Évangile auprès de tous ceux qui ne connaissent pas encore le Christ. Douce fut votre joie à la crèche de Noël, forte elle deviendra lorsque vous saurez vivre l’humilité du Christ, afin de pouvoir devenir, à votre tour et à l’appel du Seigneur, une épiphanie pour le monde, une « grande paix jusqu’à la fin des lunes ».
Ainsi soit-il !
Réflexion recueillie et proposée par le Père Xavier Bugeme sj
Curé de la Paroisse Christ Roi de Mangobo à Kisangani