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En marchant sur les eaux, Jésus révèle qu'habite en lui la puissance de Celui qui, comme le veulent les anciennes conceptions du monde, a vaincu les eaux primordiales, repaire des forces mauvaises. Mais les disciples ne le comprennent pas. Alors, à la révélation de sa puissance, Jésus joint celle de sa bonté.

Mes chers Paroissiens, chers frères et sœurs, Paix ! 

Je vous envoie la méditation pour ce mercredi après l'Épiphanie. 

Lecture 1 Jn 4, 1 1-18

Ps 71

Évangile Mc 6, 45-52 

La marche sur les eaux : un nouveau signe. Que signifie-t-il ? Qu'est ce que Dieu veut nous dire à travers ce signe ?  Il y a là une intention. Pourquoi ce comportement curieux ? Autant les apôtres étaient prêts à participer à l'organisation du repas, comme "ministres" le mot signifie "serviteurs", en grec...  autant ils ne sont pas prêts encore à canaliser les enthousiasmes trop triomphants et les ambiguïtés qui surgissent dans cette foule survoltée par le miracle : ils veulent faire de Jésus leur roi.

Ce risque est toujours d'actualité : dest le risque de confusion entre le temporel et l'éternel, entre le politique et le religieux.  Senfermer dans le temporel, c'est, pour les ministres de l'Église une terrible tentation, et un redoutable alibi : dest risquer de prendre les moyens pour la fin, c'est risquer d'abandonner la tâche essentielle de l'Église. Cest, enfin, risquer d'empiéter sur "l lautonomie nécessaire" des tâches temporelles. 

Sentant que ses apôtres ne sont pas mûrs pour cette distinction nécessaire, sentant qu'ils se laisseraient aller à la pente naturelle de la foule, Jésus les force à partir - ils étaient tout prêts de se laisser prendre par la foule - et se charge Lui-même de rétablir les choses. 

Pour nourrir notre prière, je vous propose ce texte, dune grande profondeur, du Pasteur Marc Rossier  (www.predications.centerblog.net).

Bonne méditation à toutes et à tous. (Père Xavier Bugeme sj). 

Ramer contre un vent contraire, je crois que c’est une expérience humaine universelle. D’ailleurs « ramer » c’est même devenu une expression pour dire que nous peinons dans notre effort. En montagne, puisque la mer ce n’est pas tellement notre élément, en montagne je pourrais comparer cette expérience à une ascension difficile dans la grosse neige, quand chaque pas durement acquis, glisse en arrière de la moitié de la distance.

On dit alors qu’on brasse, et ce qui devait prendre 10 minutes prend 1heure. Les disciples, eux, rament. Chaque coup de rame, malgré l’effort, ne fait quasiment pas progresser la barque, parce que le vent les fait glisser en arrière sur l’eau. Brasser, ramer, quand la tâche et plus grande que l’énergie à disposition, quand le temps ne suffit plus à atteindre les objectifs. Quand la fatigue augmente plus rapidement que le ressourcement.

L’avez-vous déjà vécu, le vivez-vous aujourd’hui ?  C’est une expérience humaine, une détresse humaine. Comme s’il pleuvait des assiettes et qu’il nous était impossible de toute les rattraper, c’est avec un regard triste, des oreilles amères et un sentiment d’impuissance que le fracas des assiettes brisées sur le sol nous agressent.

Comment en serait-il autrement, avec un esprit de chrétien, dès l’instant où nous avons à cœur de regarder le monde avec un regard de Dieu. Devant tant de détresse, de malheur, de bêtises, de paresse, de découragement : comment ne pas désespérer devant la tâche qu’il faudrait accomplir ? Mais nous ne sommes pas Dieu, Dieu merci.  Mais pourquoi devons-nous subir cette situation ? Pourquoi notre vie, semble-t-elle condamnée à l’effort quasi-vain ? Penchons-nous sur le texte de l’Evangile de Marc : Les disciples ont vécu un temps merveilleux, puissant, stupéfiant. Un temps d’abondance, un temps dans la présence de Jésus, qui, en multipliant les pains pour 5000 personnes, qui a révélé toute la générosité et la compassion de Dieu pour les hommes. 

Comme Dieu avait nourrit son peuple au désert avec la manne qui tombait du ciel, Jésus avait nourrit la foule avec du pain et des poissons. Préfiguration de ce que nous voulons revivre aujourd’hui autour de la table le dimanche matin.

Jésus veut nous nourrir en abondance de lui-même, de sa force.  Alors les disciples ont repris des forces. Physiques et morales. Mais ils ne peuvent pas prolonger ce temps bienfaisant : Jésus leur ordonne de quitter ce rivage paisible et joyeux, pour traverser le lac, dans leur barque. La nuit tombe et le vent est contraire. Jésus reste à terre et renvoie la foule. Les disciples, perplexes se retrouvent seuls, à devoir lutter contre une opposition invisible.

Le vent qui souffle contre eux, et la nuit qui tombe. Le lac est noir. Ce qui est particulier quand on flotte en pleine nuit, à l’époque où il n’y avait aucun réverbère sur les rives pour réaliser le pourtour du lac, c’est l’impression d’être hors de la réalité, c’est la perte de point de repère. Impossible de savoir si on se trouve encore au début ou à la fin de la traversée. Seule les étoiles, s’il fait beau, peuvent indiquer une direction.

Tout pourrait paraître paisible sur ce lac, si nous n’avions pas sous les yeux le spectacle de l’effort douloureux de ces hommes qui luttent contre un adversaire qui les obligent à faire du sur place, flottant sur une masse noire et sans prises. C’est l’expérience des disciples, mais c’est aussi une expérience humaine.

Quand nous ramons, quand nous brassons, quand nous traversons notre vie, sans grand points de repères, sans savoir si la traversée sera encore longue ou pas.

Qui nous a mis dans cette situation et pourquoi ?  Pourquoi donc Jésus a-t-il demandé à ses disciples de traverser le lac ? Et seuls, cette fois.

La dernière fois, quand ils avaient essuyé une tempête et qu’ils avaient manqué de sombrer, Jésus était au moins avec eux. Il dormait, certes, mais il était avec eux, et en se réveillant il leur avait montré son pouvoir sur la mer et les vents. Si Jésus est maître de la mer et des vents, pourquoi a-t-il demandé cet effort à ses disciples ?  Jésus n’est pourtant pas un sadique. Et il ne fait rien au hasard.

Le hasard, c’est bon pour les non-croyant. Alors pourquoi ? Pourquoi, nous aussi, dans nos vies, nous peinons, nous ramons, incapables de retenir le temps qui nous est pourtant compté ? Jésus, non seulement le tolère, mais, pire que cela, serait-il celui qui nous y a mis ? Pourtant Jésus n’est pas un sadique. Que veut-il donc ? qu’espère-t-il donc, en nous voyant nous débattre contre l’adversité, contre la glu du monde ?  Depuis 2000 ans, obéissant à son ordre, l’Eglise n’a-t-elle pas suffisamment ramé ? ses disciples et leurs successeurs ne cessent pas de lutter contre tout ce qui est contraire au souffle nouveau de Dieu, mais force est de constater que le monde est loin d’être un monde nouveau, renouvelé par l’esprit du Père. Où en sommes-nous entre la résurrection et la fin du monde ? la traversée sera-t-elle encore longue ? L’Eglise brasse dans une neige trop épaisse, l’Eglise rame contre des vents trop contraire, l’Eglise se fatigue à piétiner sur des terrains gluants. Pourquoi ?  Si Jésus demande à ses disciple de quitter le rivage de la multiplication des pains, s’il leur demande de traverser cette épreuve du lac, je finis par croire que c’est nécessaire.

Les disciples sont en train de vivre une sorte de parabole, tout à fait réelle de ce qui devra encore se vivre, malgré l’intervention du Fils de Dieu, durant des siècles encore, jusqu’à la fin des temps.

Dieu est intervenu par son fils, il a cassé le ressort de la mort, mais il y aura encore bien à ramer jusqu’à ce que la victoire soit définitive et totale. Ça signifie que quand nous ramons, ce n’est pas parce que Dieu s’en fout, ce n’est pas parce qu’il le tolère ou qu’il est impuissant, mais c’est parce qu’il le veut. Ça fait partie de son projet, tant pour l’Eglise que pour nos vies.

Non pas qu’il aime nous voir souffrir, bien au contraire, mais il aime nous voir cheminer vers la vérité. Il aime nous voir prendre une place dans son projet de salut pour l’humanité. 

Or, comme un métal précieux, la vérité ne s’épure qu’au creuset d’un feu dévorant, le salut s’obtient en passant au travers d’un tamis qui doit nous purifier de ce qui pourrit notre vie. Et parfois il faut voir sa vie partir en lambeau ou en flamme, pour qu’apparaisse l’essentiel qui était dissimulé dessous.

Les disciples rament. Et pourraient se plaindre de l’absence de Jésus. Combien de fois, quand nous souffrons, nous ressentons plus ardemment la douleur de cette absence. On aimerait Jésus à nos côtés, pour résoudre ce qu’on ne parvient pas à surmonter, pour rattraper à notre place toutes les assiettes qu’on ne parvient pas à sauver.  Mais non. Il n’y a que nous. Et ce qui m’impressionne, ce que j’ai envie de saluer, c’est cette persévérance des disciples. Ils auraient pu abandonner la partie. Ils auraient pu arrêter de ramer et se laisser dériver jusqu’au rivage où le vent les aurait pousser.

Mais non : peut-être parce qu’ils ont été nourrit et parce qu’ils ont reçu des forces suffisante en mangeant le pain de Jésus, il continuent à ramer, toute la nuit, cherchant à tout pris à obéir à l’ordre de Jésus. Alors Jésus n’est peut-être pas totalement absent de cette barque. Parce que les disciples ont mangé son pain, il est aussi présent, différemment, en eux. Mais ils ne s’en rendent pas encore compte. 

Si bien que quand Jésus les rejoints, quand l’aube se lève, les disciples ne le reconnaissent pas. Ils sont même effrayé. Il ne le reconnaissent pas dit le texte, parce qu’ils n’avaient pas compris le miracle des pains.

Le miracle, ce n’était pas la multiplication, le miracle, c’est qu’en distribuant le pain, Jésus venait vivre lui-même en eux. Ainsi, il y a une progression : lors de leur première traversée, les disciples pensaient que Jésus était absent par son sommeil. Cette fois-ci il sont persuadés que Jésus est absent par son corps physique.

Mais ils doivent comprendre que Jésus est en fait, tout aussi présent dans leur barque qu’il l’est tout les jours, par le pain qu’ils ont mangé, et par la prière qu’il est en train de vivre sur la montagne.

Dans sa prière, dit notre texte, Jésus voit les disciples en train de ramer.  Et pour leur faire comprendre le miracle des pains, le miracle de sa prière, Jésus les rejoint. Et c’est bien nécessaire, parce que les disciples se croient vraiment seuls dans leur lutte. Ils ne le reconnaissent pas.  

Et nous aussi, parfois, dans nos lutte, nous oublions que Jésus peut être bien présent en nous, par le pain et le vin, quand il nous nourrit de lui-même, et par sa prière quand il nous voit ramer et peiner.  Le miracle à saisir, c’est sa présence, malgré les apparences. Il fait alors appel à notre confiance, à notre courage : Et c’est exactement les seules et uniques paroles qu’il adresse à ses disciples : « Courage, moi, je suis, n’ayez pas peur ». Vous voyez, c’est pour ainsi dire, la même expression que celle de Dieu, quand il se montrait à Moïse dans le buisson ardent. « moi, je suis » Il ne dit pas voilà, voilà, j’arrive ! il ne dit pas je suis là, ou me voici ! non il dit : je suis. Autrement dit, il n’est pas plus là maintenant qu’avant. Par la prière et par la présence du pain rompu et distribué, il était déjà là. Il est le créateur, il est celui qui multiplie, qui commande aux vents et à la mer. Il est : universellement.

Mais les disciples ne comprennent pas : il se sont sentis seuls. Abandonné à leur lutte. Maudissant peut-être même Jésus de les avoir renvoyé dans cette barque.

Leur cœur demeure endurci, il ne comprennent pas. Voilà qui doit nous soulager, nous aussi, quand nous ne comprenons pas, pourquoi les épreuves et les difficultés ne nous sont pas épargnées.  Les disciples ne comprennent pas, mais ils comprendront plus tard, quand Jésus leur distribuera encore le pain et le vin, juste avant de mourir.

Et la promesse de ce récit, c’est qu’un jour, Jésus surgira en chair et en os, il se montrera quand personne ne s’y attendra. Il dominera l’hostilité et les vents contraire. A la stupeur générale Il prendra sa place dans la barque, symbole de l’Eglise. 

Alors, quand la tâche que Dieu semble nous confier est trop lourde, quand nos forces nous semblent insuffisante à réaliser ses projets pour notre vie, quand nous ramons, quand nous brassons, quand nous piétinons, il me semble bon de nous souvenir de ce récit : Les disciples étaient encore loin d’avoir atteint l’autre rive quand leur lutte a pris fin. Dieu ne nous demande pas de réaliser tout à sa place. Il viendra terminer le travail. Il ne nous attends pas de l’autre côté du lac, non, il surgira au milieu de nos efforts pour dire : « courage, moi, je suis, n’ayez pas peur. »  C’est une promesse. et même si nous ne comprenons pas pourquoi nous luttons, luttons dans la confiance en cette promesse et en cette présence mystérieuse, mais bien réelle.  Amen !

Réflexion recueillie et proposée par le Père Xavier Bugeme sj  Curé de la Paroisse Christ Roi de Mangobo à Kisangani.

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