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La vie, don de Dieu, nous est accordée au-delà de notre renoncement à vivre par nous-mêmes

Mes chers Paroissiens, chers frères et sœurs,

Paix !

Nous célébrons le deuxième dimanche du temps de carême

Première lecture Gn 22, 1-2.9a-13.15-18

Ps 115

Deuxième lecture Rm 8, 31b-34

Évangile Mc 9, 2-10

Vivre, c'est ce que nous voulons à tout prix. Tous nos actes s'expliquent par ce désir fondamental. C'est ce même désir qui nous fait méconnaître les conditions de la véritable existence.

Car celle-ci naît d'un échange d'amour où chacun des partenaires cesse de chercher sa propre sauvegarde, pour consentir à tenir de l'autre sa vie. Ainsi, pour vivre, faut-il d'abord consentir à la mort de notre élan le plus instinctif.

Cessant de nous crisper sur nous-mêmes, nous pourrons alors accéder à l'univers spirituel de la gratuité. C'est à cet univers que nous convie Dieu. Qui y participe entre dans une réalité éternelle.

Pour approfondir notre méditation, je vous propose cette réflexion de Mr l'Abbé Marc PASSERA ( www.cath.ch )

Bonne méditation à toutes et à tous et Bon dimanche de Carême.

La réaction de Pierre nous la connaissons : il ne peut accepter que celui qu’il vient de proclamer « Christ » soit mis à mort. Il ne comprend pas.

Le découragement de Pierre

Comme il nous ressemble, Pierre! Comme il nous est difficile, comme à lui, d’être désorientés par celui que nous proclamons Seigneur. Comme il nous pèse d’entendre parler de mort, sa seule évocation peut nous paralyser (cf. He 2,15).

Pierre ne sait plus trop pourquoi il est avec Jésus. A nous aussi, il arrive de passer par le découragement, par la fatigue et nous ne savons plus trop dans quelle direction nous allons. A tel point que, comme Pierre, nous n’entendons même pas Jésus nous annoncer sa résurrection le troisième jour…

Face à ce qui le dépasse et qu’il peine à accepter, Pierre voudrait que Jésus change son projet. Ne sommes-nous pas tentés, nous aussi, réduire les paroles de Jésus à notre mesure ? Mais Jésus insiste ; et il adresse à ceux qui l’écoute des paroles énigmatiques : « Amen, je vous le dis : parmi ceux qui sont ici, certains ne connaîtront pas la mort avant d’avoir vu le règne de Dieu venu avec puissance » (Mc 9,1).

Un itinéraire à suivre

« Six jours plus tard » ces paroles se traduisent en invitation pour Pierre Jacques et à Jean. Suivons l’itinéraire que leur propose Jésus. Il est aussi celui auquel chacun de nous est invité.

« Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne » (Mc 9,2). C’est lui qui prend l’initiative. Les verbes sont fort : il les prend à part (�»αραλαμβάνει), il les emmène (�»ναφέρει) sur une haute montagne. Le verbe utilisé par Marc indique un mouvement vers le haut (�»να). Et nous savons que si cette haute montage indique un lieu précis, elle est surtout -comme souvent dans la Bible- le signe d’une expérience forte de rencontre avec Dieu.

D’ailleurs, Moïse et Elie vivent l’étape déterminante de leur vie  dans leur rencontre avec Dieu sur la montagne.

C’est aussi sur la montage vers laquelle le Seigneur l’envoie qu’Abraham manifeste la profondeur de sa foi et que Dieu se manifeste à lui comme le Dieu de la vie, de la bénédiction.

Pierre Jacques et Jean, comme Abraham, Moïse et Elie et les autres se laissent faire. S’ils étaient restés là où ils étaient, ils auraient continué à voir les choses comme ils les voyaient avant, selon leur logique.

Se laisser entraîner par Jésus

Jésus les fait aller à l’écart. « Eux seuls ». Mais Jésus est avec eux. Ils ne sont plus noyés dans la masse qui oblige souvent à un bon sens qui n’est que sens commun. Ils ne sont pas non plus isolés : ils sont eux seuls, mais avec Jésus.

Le Seigneur veut nous prendre avec lui. Ne nous dit-il pas aujourd’hui, à nous qui si souvent sommes dans la préoccupation, menacés d’agitation : « arrête-toi, sors, Dieu a quelque chose à te dire » ?

L’invitation n’est pas à faire des efforts pour améliorer notre vie – même si cela est nécessaire – elle est de passer d’une certaine médiocrité, d’une habitude de la laideur à laquelle nous risquons de nous résoudre à la beauté, à la plénitude. Et cela , en nous laissant conduire, en faisant un passage, en vivant une Pâques. Paul écrit aux Galates : « Puisque l’Esprit nous fait vivre, marchons sous la conduite de l’Esprit » (Gal 5,25).

Faits pour la beauté

Se laisser porter en haut, c’est devenir nous-mêmes. Nous sommes faits pour la beauté.

Bien sûr, depuis les hauteurs, on voit les choses autrement. Avec le recul, on peut s’émerveiller de la beauté d’un paysage, là-bas dans la plaine. Mais Pierre Jacques et Jean, eux, posent leur regard sur Jésus.

« Il fut transfiguré devant eux ». Le verbe utilisé est celui de la métamorphose (μετεμορφώθη). Mais il n’indique pas une transformation dans le sens commun de l’expression où une réalité devient une autre réalité. Il indique plutôt un passage « au-delà de la forme » Jésus ne devient pas un autre, mais il se laisse voir au-delà (μετα), dans ce qui en lui demeurait caché. Il se manifeste dans la totalité de ce qu’il est. Il se laisse voir comme il est vu par le Père.

C’est un regard plus intérieur qui dit la vérité de Jésus. Qui nous permet d’aller au cœur de qui il est.

Le regard de Dieu

Nous nous souvenons des paroles que Dieu adresse à Samuel avant qu’il ne reconnaisse en David l’élu de Dieu «Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. » (I Sam 16,7)

Paul écrit aux Corinthiens : « Notre regard ne s’attache pas à ce qui se voit, mais à ce qui ne se voit pas ; ce qui se voit est provisoire, mais ce qui ne se voit pas est éternel » (II Cor 4,18).

Sur la montagne, Jésus est transfiguré pour que nous puissions le voir avec le yeux de Dieu et qu’ainsi, en lui, nous puissions voir toute chose avec les yeux de Dieu…

Et Marc note avec une apparente ingénuité : « Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille » (Mc 9,3). Il veut bien souligner qu’il ne s’agit pas d’une action humaine, mais d’un don de Dieu.

De ce Dieu qui fait Alliance, qui parle à son peuple et à chacun de nous. Moïse et Elie, la Loi et les prophètes sont là parlant avec Jésus de manière familière (συλλαλοῦντες).

La nuée qui avait accompagné le peuple dans sa traversée du désert est là aussi qui les recouvre.

Pierre sent que la fête de sukkôt, fête de la rencontre avec Dieu, trouve maintenant sa pleine réalisation (même si au centre il envisage encore la tente de Moïse et pas celle de Jésus…). Voilà pourquoi il veut faire les tentes de le fête ; « Rabbi, il est bon que nous soyons ici ! » (Mc 9,5)

Tout est parlant, tout se manifeste comme invitation à entrer dans le mystère de Jésus en qui tout trouve son accomplissement. Et l’auteur de la lettre aux Hébreux nous aide à comprendre : « À bien des reprises et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes ; mais à la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes » (He 1,1-2).

Le désir suscité par Jésus

Mais voilà que « Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux ». Que reste-t-il alors de l’expérience extraordinaire qu’ils viennent de vivre ? Il reste Jésus dans son humanité ! Tout est en lui. Lui seul suffit.

Et l’on se souvient des mots que Jean Paul II adressait aux jeunes à Tor Vergata : « En réalité, c’est Jésus que vous cherchez quand vous rêvez de bonheur; c’est lui qui vous attend quand rien de ce que vous trouvez ne vous satisfait; c’est lui, la beauté qui vous attire tellement; c’est lui qui vous provoque par la soif de radicalité qui vous empêche de vous habituer aux compromis; c’est lui qui vous pousse à faire tomber les masques qui faussent la vie; c’est lui qui lit dans vos cœurs les décisions les plus profondes que d’autres voudraient étouffer. C’est Jésus qui suscite en vous le désir de faire de votre vie quelque chose de grand, la volonté de suivre un idéal, le refus de vous laisser envahir par la médiocrité, le courage de vous engager avec humilité et persévérance pour vous rendre meilleurs, pour améliorer la société, en la rendant plus humaine et plus fraternelle »

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Ces mots sont comme l’écho de cette sentence à première vue déroutante d’abba Alonios, l’un des pères du désert qui affirmait: «si un homme ne se dit pas dans son coeur que dans le monde, il n’y a que lui et Dieu, il ne trouvera jamais la paix».

 

Et celà ne porte bien sûr pas à l’isolement, ni au repli sur soi. On se souvient aussi des mots d’Evagre le Pontique qui décrit le moine –mais c’est vrai pour chacun de nous- comme celui qui est «séparé de tous et uni à tous ». Être seuls avec Jésus, c’est être unis à tous en vérité.

La Parole : un trésor

Désormais, Pierre Jacques et Jean ne contemplent plus sa gloire d’une manière spectaculaire, mais ils ont à accueillir l’invitation qui leur a été adressée : « « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! ».

L’écouter, c’est lui obéir, c’est lui faire confiance, c’est se laisser guider par lui, c’est construire sur lui notre vie comme l’on construit une maison sur le roc (cf. Mt7,24). C’est faire nôtre l’attitude d’Abraham. C’est aussi faire trésor de la Parole qu’il nous adresse de bien des manières et comme Marie la garder et en trouver l’unité (Lc 2,19).

Et cela, dans la plaine de notre quotidien. Parce que comme Pierre Jacques et Jean, il nous faut redescendre de la montagne de la Transfiguration. Mais plus comme avant : transfigurés nous aussi.

Il faudra encore du temps à Pierre à Jacques et à Jean pour oser être vraiment disciples. Il nous faut du temps, à nous aussi.

Pierre Jacques et Jean continuent de se demander ce que veut dire « ressusciter d’entre les morts » (Mc 9,10). Nous aussi, nous ne comprenons pas tout. Mais malgré leurs résistances, malgré nos questions et nos lourdeurs, nous sommes appelés, comme eux, à nous laisser guider par ce Seigneur qui avait dit par la bouche d’Isaïe : « je conduirai les aveugles sur un chemin qui leur est inconnu ; je les mènerai par des sentiers qu’ils ignorent » (Is 42,16).

En nous prenant avec lui sur la montagne de la transfiguration, Jésus enlève le voile qui nous empêche de le voir. C’est lui qui enlève ce voile « pour qu’en le voyant tel qu’il est, nous devenions semblables à lui » (cf. I Jn3,2). En donnant sa vie, il nous donne la vie et nous fait entrer dans le mystère de ce qu’il est.

Et Marc prendra la peine de noter, au moment où Jésus expire, que « le voile du Sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas » (Mc 15, 38).

 

Alors, selon la belle expression de Paul : « nous tous à visage découvert, nous reflétons la gloire du Seigneur, et nous sommes transformés en son image de gloire en gloire, par l’action du Seigneur qui est Esprit » (II Cor 3,18).

Comme pour Pierre, Jacques et Jean, Jésus veut nous libérer de tout ce qui défigure pour que nous vivions de manière transfigurée et pour que, comme disciples marchant à sa suite, nous avancions de gloire en gloire !

Réflexion recueillie et proposée par le Père Xavier Bugeme sj 

Curé de la Paroisse Christ Roi de Mangobo à Kisangani.

 

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