Image Post

En ce jour de Pâques, il n'est plus qu'une attitude à avoir : la foi, permettant à la réalité divine d'illuminer notre vie. Il n'est plus qu'une action à entreprendre : c'est de porter partout témoignage de la bouleversante découverte d'un monde nouveau.

Mes chers Paroissiens, chers frères et sœurs,

Paix !

Alléluia, le Christ est ressuscité ! Nous célébrons la vigile pascale. Plusieurs lectures nous sont proposées. Elles constituent une intense méditation des étapes qui nous ont acheminés vers cet instant merveilleux : la résurrection de Notre Seigneur.

Jésus est mort. Pour les apôtres, c'est la nuit, le désespoir, comme c'est le désespoir pour tant d'hommes meurtris par la vie. Si Jésus, le Juste par excellence, a ainsi débouché sur l'échec,  n'est-ce pas le signe que la vie est définitivement privée de sens ?

Mais soudain, le voile se déchire. Rien n'est fini. 

Tout commence au contraire. Jésus est là, pour toujours. C'est bien le même, et pourtant ce n'est plus un simple être de chair, soumis aux vicissitudes de la vie quotidienne. En lui se manifeste un ordre de réalité entièrement nouveau, le Règne de l'amour où la rencontre entre le Seigneur et les siens se fait plus intense que jamais. En même temps une fraternité jusque-là inconnue s'affirme entre tous ceux qui participent à cette découverte.

La splendeur divine éclate dans ce qui est vraiment une nouvelle création. C'est à la vie de Dieu même que l'homme participe, à travers la bouleversante expérience de la Résurrection.

Toute la longue histoire de l'humanité, celle du peuple élu, avant-garde spirituelle des autres nations, prend sens. La longue route à la recherche du Seigneur débouche enfin. C'est le temps de la rencontre. C'est le moment des épousailles de Dieu et de sa créature. De ses épousailles, nous sommes invités à être parties prenantes. Par le Baptême et par l'Eucharistie. 

Pour nourrir notre prière, je propose cette réflexion de David Mitrani ( www.eglise-protestante-unie.fr ).

Bonne méditation à toutes et à tous. De joyeuses fêtes de Pâques. ( Père Xavier Bugeme sj ).   

Sérieusement… Vous en pensez quoi, de la résurrection ? Car si vous êtes ici ce matin, c’est que vous savez bien que Pâques ne consiste pas dans des œufs en chocolat ni dans une fête de printemps ! Mais, bon, la résurrection, si ce n’est pas le simple retour du beau temps après la pluie, si ce n’est pas le mythe grec de l’immortalité de l’âme (car alors, où serait la résurrection ?), bref : si c’est du neuf, qu’est-ce que c’est ? À quoi ça sert ? À quoi ça nous sert, concrètement ? Beaucoup de gens – parmi ceux qui se posent la question – croient que la résurrection, c’est vivre après qu’on est mort. Mais dire ça, ça ne dit rien de plus. À l’époque de Jésus, les gens, comme les Pharisiens, croyaient à la résurrection des morts. Comme ça. Parce que ça fait du bien d’y croire. D’autres gens, comme les Sadducéens, n’y croyaient pas, parce qu’on n’a pas besoin de ça pour croire. Et les femmes qui vont au tombeau, y croyaient-elles ou pas ?…

Qu’elles y aient cru ou pas, vous l’avez entendu : ce qu’elles vivent à ce moment-là leur fait peur. Elles ne sont pas confortées, ni étonnées, ni indignées, ni motivées. Rien de tout ça. Elles allaient au cimetière en se préoccupant des détails matériels, comme on fait dans ces cas-là, pour ne pas penser à ce qui fait mal, pour ne pas penser à l’absent. Elles cachaient leur inquiétude profonde, fondamentale, par une autre inquiétude, plus superficielle. Car pour elle tout était fini : elles « allaient embaumer Jésus », et sceller ainsi l’irrémédiable. Mais voici que ce qui justifiait cette dernière et superficielle inquiétude a été ôté : « la pierre, qui était très grande, avait été roulée ». Il n’est donc plus possible de faire semblant, de se dire qu’on est inquiet à cause de la pierre, à cause du matériel. Elles sont renvoyées à leur vraie inquiétude, elles sont renvoyées à plus profond, au fondamental, à l’ultime. Et donc à la mort : « elles entrèrent dans le tombeau ». Et là, bien sûr, « elles furent épouvantées ».

Mettez-vous à leur place ! En fait… vous êtes à leur place, vous êtes à la même place qu’elles, dès lors que la fumée d’inconsistance et de vanité dont vous savez tout comme moi entourer votre existence s’est dissipée. Face à la vie, nous sommes en fait face à la mort. Nous entrons dans notre tombeau, et cela nous épouvante. Nous sommes confrontés à notre finitude, au caractère éphémère de toute chose, de toute vie, à l’éternel retour du même et au pourrissement de tout ce qui fut vie et amour. Comme disait Salomon : « Le sage ne laisse pas de souvenir perpétuel, pas plus que l’insensé ; au fur et à mesure que passent les jours, tout est oublié. Le sage meurt bel et bien comme l’insensé ! J’ai donc haï la vie, car pour moi l’ouvrage que l’on fait sous le soleil est mauvais, puisque tout est vanité et poursuite du vent. » (Eccl. 2 / 16-17) Comme lui, les femmes au tombeau sont confrontées au vide. Même la présence d’un corps mort est rassurante, tous ceux qui ont perdu quelqu’un corps et biens le savent, qui ne connaissent pas cette tranquillité, cette tranquille résignation devant l’inéluctable. Voilà donc ce qui est enlevé aux trois femmes ce matin-là. Il n’y a plus pour elles que la peur, que les questions vitales désormais sans réponse.

Voilà pourquoi il y a face à elles « un jeune homme » qui leur parle, ou plutôt il y a une parole, simplement une parole, une parole qui prend la place du vide. Mais cette parole n’est pas rassurante, elle n’est pas comme celles que nous échangeons lors des deuils qui nous touchent. Elle n’est pas une pieuse invention pour soigner leurs angoisses, contrairement à ce qu’allèguent contre nous les matérialistes athées. C’est au contraire une parole folle. Ce n’est pas une réponse à leurs questions ; d’ailleurs, elles n’avaient pas de questions, elles avaient seulement peur ! Et cette parole ne va pas guérir leur peur, selon ce que nous dit l’évangéliste Marc, qui porte ici un témoignage particulier, original, mais tellement réaliste. Car la parole du « jeune homme » est une réponse à la question qu’elles ne se posaient pas, et sur laquelle j’ai ouvert cette réflexion il y a quelques instants : c’est quoi, la résurrection ? La résurrection, c’est une transgression fondamentale de l’ordre des choses, de la séparation entre la vie et la mort, le bien et le mal, le ciel et la terre. La résurrection, c’est que celui qui était mort ne l’est plus.

Mais alors, et moi ? Si tout est transgressé, renversé, où suis-je ? Vivant ou mort, bon ou mauvais, saint ou perdu ?… Mon identité elle-même a explosé. Leur identité, voilà ce que les trois femmes ont laissé au tombeau de Jésus : « elles s’enfuirent tremblantes et hors d’elles-mêmes », dit le texte. « Hors d’elles-mêmes. » Ou « troublées », comme quand on est soi-même trouble, à la fois ici et ailleurs, et que le regard ne discerne plus rien clairement. Comme quelqu’un qui se regarde dans la glace, qui sait que c’est lui, mais qui ne se reconnaît pas… Déphasé, voilà. La résurrection, ce n’est pas que j’en pense ci ou mi, c’est une réalité extérieure à moi qui pénètre en moi et qui me déphase. Il y a de quoi s’enfuir. Mais où ? Où puis-je fuir loin de Dieu ? Où puis-je fuir loin de moi ? Ainsi que le chantait David : « Où irais-je loin de ton esprit et où fuirais-je loin de ta face? Si je monte aux cieux, tu y es ; si je me couche au séjour des morts, t’y voilà. Si je prends les ailes de l’aurore, et que j’aille demeurer au-delà de la mer, là aussi ta main me conduira, et ta droite me saisira. Si je dis : au moins les ténèbres me submergeront, la nuit devient lumière autour de moi ; même les ténèbres ne sont pas ténébreuses pour toi, la nuit s’illumine comme le jour, et les ténèbres comme la lumière. » (Ps. 139 / 7-12)

On pourrait dire que ce fut là l’expérience de ces femmes, au tombeau où Jésus n’était plus : elles furent aveuglées par la lumière surgie au cœur des ténèbres et de la mort. Mais ce qui nous apparaît, à distance, comme une chose extraordinairement heureuse, est une chose qui ne fait guère envie dès qu’on y réfléchit un peu, et dont nous venons de voir qu’elle est horrible à vivre ! Éclairage alors, ou lumière aveuglante ? Ça ne dépend pas de l’intensité lumineuse, contrairement à ce qu’on pourrait penser de prime abord. Ça dépend de qui bascule l’interrupteur ! Si c’est moi, pas de problème, je sais quelles lunettes mettre, je sais ce qui arrive et quand ça arrive : pas de surprise, pas de mal. En fait, pas de changement : je gère… Mais si ce n’est pas moi qui agis alors, catastrophe !…

La résurrection, c’est aussi cette catastrophe existentielle : un autre que moi décide de la vie et de la mort, de ma vie et de ma mort. Plus exactement, il décide d’éclairer ma vie, de me montrer ma mort, et de m’offrir autre chose, tout ça dans le même mouvement. Et je suis déstabilisé, meurtri, effrayé. Quelle était donc la parole ? « Jésus […], vous le verrez… » La lumière vous a-t-elle aveuglé ? Vous verrez la source de cette lumière ! Le soleil vous brûle-t-il les yeux ? Vous le contemplerez en face ! La même inquiétude qu’exprimait le psaume 139 m’atteint alors au fond de moi : je suis mis en présence de celui devant qui je ne suis rien, et je n’ai plus d’échappatoire… Il n’y a plus qu’une seule alternative pour moi, et je n’en suis pas le maître : être mort, ou bien changer de vie. Être mort ou ressusciter. Continuer à vivre comme avant ne fait pas partie de l’alternative, ce n’est plus possible, ce n’est pas une option. Avant d’aller au tombeau, je pouvais y croire. Plus maintenant. Voilà pourquoi la résurrection fait mal. Ainsi me faut-il comprendre cette douloureuse affirmation entendue dans la bouche d’Anne, la mère du jeune Samuel : « L’Éternel fait mourir et il fait vivre, il fait descendre au séjour des morts et il en fait remonter. » (1 Sa. 2 / 6) Il n’est pas question d’un Dieu marionnettiste ni d’un destin écrit d’avance. Il est question, simplement, totalement, de ce que produit dans ma vie la rencontre entre mes ténèbres et « la lumière véritable qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme. » (Jean 1 / 9)

Alors, c’est vrai, comme l’écrivait Saint Paul, « quelques-uns parmi vous disent qu’il n’y a pas de résurrection des morts. » Ce n’est pas dans une discussion théologique, mais c’est bien par rapport à ce que je viens de vous dire : il ne m’est pas possible de croire que Jésus est ressuscité si je ne crois pas à la résurrection, c’est-à-dire si je ne vis pas cet écartèlement entre moi et moi, entre ce que je croyais être, et que j’avais construit patiemment, et ce que je suis vraiment, qui ne pourra vivre désormais qu’en passant par la résurrection, en étant renouvelé de fond en comble. Qui dit résurrection dit mort et nouvelle naissance, Jésus déjà essayait de le faire comprendre à un Nicodème plein de sa religion, mais reculant devant la rencontre existentielle avec ce Jésus qu’il était pourtant venu rencontrer, mais seulement intellectuellement. (Jean 3 / 1-10) L’apôtre Jacques écrivait : « Tu crois qu’il y a un seul Dieu, tu fais bien ; les démons le croient aussi et ils tremblent. » (Jac. 2 / 19) C’était pour dire que la croyance non agissante mène à la mort. Dans notre foi, celui qui la met en œuvre, c’est Jésus lui-même, c’est avec lui et en lui que nous sommes ressuscités. Croire en lui ne dit rien et ne fait rien, si ce n’est pas pour se laisser ressusciter par lui !

Voici donc, chers frères et sœurs, ce que nous célébrons et fêtons à Pâques, et tous les dimanches de l’année qui ne font que redire Pâques : la résurrection de Jésus, c’est-à-dire notre foi en lui, notre attachement à lui, spirituel et physique, par lequel nous sommes morts à la vanité de notre existence mondaine, et nous sommes ressuscités à une vie nouvelle sur laquelle la mort n’a plus d’effet. « Christ ressuscité d’entre les morts ne meurt plus ; la mort ne domine plus sur lui. Car il est mort, et c’est pour le péché qu’il est mort une fois pour toutes, et maintenant qu’il vit, il vit pour Dieu. Ainsi vous-mêmes, considérez-vous comme morts au péché, et comme vivants pour Dieu en Jésus-Christ. » (Rom. 6 / 9-11) Voilà sans doute ce qui fit peur aux trois visiteuses du tombeau vide, une peur profonde, irrépressible. Elles ont peut-être cru que, ne disant rien alors qu’elles étaient chargées de porter la parole, celle-ci s’éteindrait, et que tout redeviendrait comme avant. Mais ça ne peut pas marcher. Quand on a vu la lumière, on peut préférer les ténèbres, mais on ne peut plus oublier la lumière ! Alors la parole s’est frayé un chemin jusqu’aux autres, jusqu’à moi, jusqu’à vous.

La parole de Pâques nous offre un choix. Mais ce n’est pas à nous de choisir. La parole de Pâques nous dit le choix de Dieu pour nous : il a choisi notre vie, pas notre mort. Il veut nous faire vivre et grandir libres, libérés du péché et de la mort. Il veut nous ressusciter, quels que soient les mots ou les images que nous mettons là-dessus. Il veut nous ressusciter comme il a ressuscité son Fils. Et nous, nous tremblons de peur et nous fuyons. Puisse l’Évangile de Pâques vous convaincre – et moi aussi – de cesser de fuir et de trembler, et d’accepter enfin cette rencontre fulgurante qui fait mourir et qui fait vivre, cette nouvelle identité d’enfant de Dieu qui nous a été acquise par Jésus-Christ, premier ressuscité, « premier-né d’un grand nombre de frères » (Rom. 8 / 29). Cette offre vous est faite ou renouvelée maintenant. Si vous l’acceptez, si vous arrêtez votre fuite en arrière et que vous ouvrez la bouche pour porter la parole, alors ce sera Pâques pour vous aussi aujourd’hui. Joyeuses Pâques en vérité à chacun d’entre vous. Amen

Réflexion recueillie et proposée par le Père Xavier Bugeme sj 

Curé de la Paroisse Christ Roi de Mangobo à Kisangani.

Commentaires (Total : 1)

P
Pierre beau BOLEA 02/04/2021 18:17:32

Vraiment, à chaque foi où je reçoit les méditations chaque jour , me pousse toujours à lire la parole de Dieu, même si je n'ai pas le temps ou je suis préoccupé, ça m'attire toujours de jeter un coup d'œil. Vraiment merci mon Père Curé Xavier BUGEME pour cette initiative, que Dieu vous ...

laissez votre commentaire