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La confiance concrète, immédiate, en la providence, c'est comme la frange du manteau de l'espérance

 Mes chers Paroissiens, chers frères et sœurs,

Paix !

Voici la méditation pour ce samedi de la 11ème semaine TO Impaire.

Lecture 2 Co 12, 1-10

Ps 33

Évangile Mt 6, 24-34

Voilà une autre manière de dire qu'il faut choisir entre les "trésors de la terre"...et les "trésors du ciel"... Dans le texte évangélique, il y a le mot "Mammon", terme qui personnifie l'argent et lui confère une sorte de signification démoniaque.

L'Argent, avec une majuscule ! Puissance d'asservissement. Vous ne devez pas "servir" Mammon ! Ne vous faites pas les esclaves de l'Argent ! Il suffit de regarder en soi, et autour de soi, pour se rendre compte de l'immense danger, du degré de servitude, dont Jésus veut nous libérer.

Pour nous accompagner dans notre prière, je vous recommande cette réflexion de David Mitrani (www.eglise-protestante-unie.fr)

Bonne méditation à toutes et à tous. (Père Xavier Bugeme sj)

Vous entendez bien, dans ces arguments, ceux qu’avec d’autres mots nous sommes tous capables de retourner à qui nous embête, à qui nous sollicite trop, à qui nous sollicite mal, à qui a des idées ou des pratiques que nous considérons – peut-être avec raison – comme malpropres. Car dans une relation aussi inégalitaire que celle qui s‘établit quand l’un est aidé par l’autre, celui qui est aidé, celui qui a besoin d’être aidé, est toujours déjà coupable de quelque chose aux yeux de celui qui l’aide comme à ses propres yeux. Celui qui est demandeur est toujours coupable d’être demandeur, que ce soit de nourriture, de vêtement, de logement, d’amitié, de fraternité, de compassion. Or celui qui se sent coupable de demander le fait de manière agressive – ou bien ne le fait pas, et alors il s’enferme dans sa solitude, et il en meurt, seul. Celui qui demande mal, quant à lui, s’enferme d’autant plus qu’il devient coupable de cette attitude agressive, et voilà le cercle vicieux qui s’installe et qui, là aussi, mène à la mort, parfois en passant par la délinquance, la drogue, etc. Le cercle vicieux de la paupérisation est une pure horreur, dont vous et moi avons à peine conscience, et qui est susceptible de toucher beaucoup de gens qui ne s’en doutent pas avant que ça ne leur arrive…

Voilà l’œuvre du diable, l’adversaire des humains, qui nous accuse devant Dieu et qui accuse Dieu à nos propres oreilles. À vrai dire, il n’a plus que ça à faire, car Dieu, lui, ne l’écoute plus depuis longtemps, toute la Bible le dit, de Job à Jésus-Christ. Mais c’est son effort persévérant que de nous faire croire que Dieu l’écoute, lui, ce diable qui nous connaît pour ne rien valoir, lui qui sait nos penchants, nos déroutes, nos incapacités à remonter les pentes savonneuses. Or, des pentes savonneuses, lui et nous, nous en avons mis partout, pour nous-mêmes et pour les autres. L’œuvre du diable, c’est nous qui la réalisons, personne d’autre, car le diable n’a pas de personnalité, il n’est ni dieu ni ange, quoi qu’en dise la mythologie. Si Dieu, lui, « peut faire infiniment au-delà de ce que nous demandons et pensons » (Éph. 3 / 20), le diable n’est que l’expression fantasmée, extériorisée, de nos pensées, de nos peurs, de nos malheurs.

C’est donc une lutte contre le diable que nous avons à mener, que nos Entraides paroissiales ont à mener – et Rencontre-Entraide n’échappe pas à la règle, ni notre Église de Tours non plus. Croyez-vous que c’est une lutte contre la faim, la nudité, l’illettrisme, la pauvreté, la crise du logement, le chômage, le déni du droit des étrangers, etc. ? C’est forcément aussi cela, et nous y avons nos propres organismes spécialisés, comme nous entendrons tout-à-l ’heure la Cimade nous le rappeler et nous appeler à la rejoindre. Chacun mène ces combats à sa manière, seul ou avec d’autres – car ce sont des combats citoyens, et non pas des combats chrétiens. Simplement, nous autres, nous sommes solidaires du monde dans lequel Dieu nous a placés. Nous sommes donc aussi citoyens, évidemment ! Et chacun mène cette partie-là de son existence à sa façon, selon ses idées, son type d’engagement. Vous êtes tous bien assez grands pour n’avoir pas besoin que votre Église prenne des positions qui sont de votre responsabilité à vous, et aucun d’entre vous n’a besoin que l’Église s’aligne sur des positions pensées et portées en-dehors d’elle, à droite ou à gauche…

Mais je vous disais : lutte contre le diable. D’abord en nous-mêmes, dans nos gestes, nos paroles, notre regard, notre pratique – bref : là où il se sent le plus à l’aise pour agir, là où il se sert de nous pour condamner les gens, ou pour condamner Dieu. Comme Église, comme Entraide, comme individus chrétiens, il nous faut tout faire pour évacuer l’œuvre du diable en nous et à travers nous. Il y faut donc, bien sûr, l’aide de Dieu, du Saint-Esprit ! Il faut que nous le laissions évangéliser nos gestes, nos paroles, nos regards, nos pratiques. Il faut que nous apprenions à regarder les autres, tous les autres, comme lui les regarde ; à les aimer comme lui les aime. Mais, me direz-vous peut-être, comment savoir comment Dieu aime Untel ? Si, c’est facile. Il suffit de considérer comment Dieu nous aime, nous : c’est pareil. Dieu aime certes chacun pour lui-même ! Mais il n’aime pas certains plus, d’autres moins. Si vous croyez que Dieu vous aime, vous, alors croyez qu’il l’aime, lui, qu’il l’aime, elle, quelle que soit cette personne, quoi qu’elle ait dit ou fait. Révoquez le diable en vous !

 

Seulement voilà : croyez-vous que Dieu vous aime ? Pour le dire autrement : le croyez-vous assez pour lui confier votre propre existence ? Lui « confier », ça veut dire lui « faire confiance » pour ce qui vous concerne, vous. Encore autrement dit, prenez-vous le texte que nous avons relu dans l’évangile de Matthieu pour une parole qui vous est adressée à vous ? Pas aux autres. À vous personnellement ! Une parole qui vous dit : « ne t’inquiète pas, Dieu sait ce dont tu as besoin, occupe-toi plutôt de ce que Dieu veut, c’est-à-dire des autres ». Car la volonté de Dieu pour nous, nous la connaissons, évidemment : c’est « tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Lév. 19 / 18) Cela ne nous gagne rien – puisqu’en Jésus-Christ, nous avons tout reçu ! Cela ne nous gagne rien, mais c’est l’exercice de notre liberté chrétienne. Si Dieu s’occupe de nous, c’est pour que nous puissions nous occuper des autres. Si Dieu nous nourrit et nous habille et nous loge, c’est pour que nous puissions à notre tour nourrir, habiller et loger ceux qui, autour de nous, en ont besoin. Si Dieu nous aime, c’est pour que nous puissions aimer ceux qu’il met sur notre route, et qu’ils puissent aussi découvrir l’amour de Dieu pour eux.

C'est donc là encore notre combat spirituel qui continue – et nous sommes là pour ça ! Pour faire entendre, voir, toucher, goûter, sentir aux autres que le discours du diable qui les condamne est un discours vide et faux, que Dieu s’en fiche, et nous aussi. C’est notre travail et notre liberté de faire retentir à d’autres oreilles qu’aux nôtres ce « ne vous inquiétez pas » qu’on ne peut dire qu’en offrant de quoi combler un manque qui empêche toute vie et qui abîme les corps. Lutte contre le diable, c’est une lutte contre la mort. Pourquoi croyez-vous que les premiers disciples de Jésus ont été appelés pour devenir des « pêcheurs d’hommes » (Matt. 4 / 19) ? Parce que, dans l’eau, des hommes se noient, et qu’il faut aller les repêcher ! Jésus avait autre chose à dire et à faire que des jeux de mots…

Les murs de cette salle portent encore le témoignage de cette pêche, et les chaises aussi, puisque vous êtes assis dessus, et que vous et moi, chacun là où nous étions, chacun de manière différente, nous avons été nous-mêmes repêchés. Peut-être vous souvenez-vous par qui et comment. Peut-être pas. Peut-être avez-vous, avec l’inconscience des bienheureux, le sentiment d’avoir toujours été hors de l’eau. Peu importe. Car ce que nous étions ou ce que nous sommes importe peu. Ce qui importe, ceux qui importent, ce sont les gens qui se noient – et que ce soit dans leurs péchés ou dans la société, dans leur corps ou dans leur âme, dans leur individualité ou dans leur famille, cela n’y change rien. Quand quelqu’un se noie, ce n’est pas le moment de lui faire la leçon ni de chercher à savoir pourquoi il se noie dans si peu d’eau, ou encore pourquoi il est allé là où il n’a pas pied…

Les gens à qui Jésus s’adresse dans notre texte sont donc des pêcheurs. C’est-à-dire des gens qui ne sont plus pécheurs. Heureuse langue française qui nous permet ce jeu de mots !… Car votre vie n’est plus constituée désormais de ce qui la traverse, mais de ce qui la fonde : l’amour paternel de Dieu que Jésus-Christ vous a apporté en mourant pour vous, et qu’il vous a appelés à saisir en ressuscitant pour vous. C’est pourquoi vous êtes libres de ne plus vous inquiéter, même de vos propres péchés ! C’est pourquoi vous êtes libres de répondre aux inquiétudes de ceux qui sont comme vous étiez, de ceux qui sont comme vous seriez si vous n’aviez pas eu connaissance de cet amour paternel de Dieu pour vous. « À chaque jour suffit sa peine », rappelle Jésus. La nôtre, c’est de tout mettre en œuvre pour pouvoir dire, pour oser dire, à ceux qui n’ont pas le nécessaire, que nous allons tout faire pour qu’ils n’aient plus besoin de s’inquiéter. Et que nous allons le faire parce que, si nous sommes tranquilles, nous, ce n’est pas parce que nous sommes riches, ce n’est pas parce que nous avons tout, ce n’est pas parce que nous sommes honnêtes et courageux – toutes qualités que nous avons, ou pas… – mais c’est parce que nous sommes chrétiens, parce que nous sommes à Christ, et que c’est une identité plus qu’une richesse, une identité nécessaire et suffisante.

Aussi, ce n’est pas de notre superflu que nous offrons, mais de notre nécessaire : c’est l’amour de Dieu en Jésus-Christ, c’est sa croix et son pardon, c’est sa vie plus importante que la nôtre. Mais cela ne peut être entendu et reçu – si ça doit l’être – que si nous offrons aussi le pain, le vêtement, le logement, l’amitié, la fraternité, la compassion. L’Armée du Salut parle des « trois S » : soupe, savon, salut. Donner à manger et restaurer la dignité de l’homme ou de la femme qui est devant nous, avant de pouvoir lui dire de la part de qui cela lui a été donné. Car à vous et moi, celui ou celle à qui nous donnons ne nous doit rien : à Jésus-Christ seulement, tout comme nous-mêmes ne devons rien à personne, sinon notre existence à Jésus-Christ, et notre amour les uns aux autres à cause de lui. Aussi, frères et sœurs, je le redis avec Jésus : « ne vous inquiétez pas pour votre vie ni pour votre corps »… Libérez-vous de ça, libérez-vous du diable qui entretient vos angoisses y compris parfois en détruisant ce qui est vôtre, comme il le fit pour Job. Occupez-vous d’aller à la pêche, emmenez de quoi manger, non pas pour vous, mais pour les autres. Ils ont faim ! Amen.

Réflexion recueillie et proposée par le Père Xavier Bugeme sj 

Curé de la Paroisse Christ Roi de Mangobo à Kisangani.

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